Et si le Portugal devenait la mode d'après?


C'est incontestablement un des grands pays du vin*. Et peut-être un des plus méconnus. Oh, bien sûr, il y a les portos, avec comme partie (malheureusement) émergée de l'iceberg, ces hectolitres de liqueur de bazar vendue au "rayon apéritifs" des pousse-caddies français. Et, dans une moindre mesure, les madères, ces splendeurs que les ilotes croient réservées aux sauces. Ou, éventuellement, pour les "connaisseurs", le vinho verde qui peut être tout sauf folklorique. Quoi de plus actuel d'ailleurs que ce vinho verde ? Une immense fraîcheur, du fruit (mais sans arômes de chewing-gum) et un degré alcoolique si faible qu'il parviendrait même à faire bander un prohibitionniste. Aphros, par exemple, dont je vous avais déjà touché un mot ici est un des symboles de cette nouvelle vague de verde propre et distingué, tout le contraire des jus bizarres en bouteilles "à l'ancienne" (les fameuses flasques vaguement armagnacaises) qui valaient tant de moqueries au blanc portugais.


C'est de nous tous en fait qu'il faudrait se moquer, nous qui ne connaissions pas le premier mot de ces "vins de maçons et de carreleurs". Car de découverte en découverte, on se disait qu'il fallait vraiment être aveugle pour ne pas se pencher davantage sur les richesses simples de ce pays pauvre. On a bien sûr admiré les quelques grands crus (et il y avait de quoi!), ceux des châteaux munificents, ou même les OVNIS, comme les rouges de Tiago Teles, ou encore Bastardo, ce trousseau magique qui nous rappelle d'évidents liens entre une bonne partie de la viticulture portugaise et le Jura.


Lien ampélographique, bien sûr, mais aussi et surtout structurel. Au delà des géants du porto, subsiste dans tout le pays une masse de petits vignerons, artisans, paysans, travaillant souvent leur poignée d'hectares comme un jardin potager. Ce modèle qui a quasiment disparu dans l'Espagne voisine (mais qu'heureusement des courageux font renaître) se perpétue ici avec grâce. Nous sommes à l'opposé, au parfait opposé de la viticulture prônée par les technocrates et les fonctionnaires des ministères. La chasse est du coup plus compliquée, mais souvent fructueuse, surtout pour ceux qui recherchent des vins dotés de ce supplément d'âme qui fait tant défaut aux productions industrielles. Ici, beaucoup même vinifiaient nature sans le savoir.


La dernière découverte en date est passionnante à plusieurs égards. D'abord en soi, pour ce domaine du centre du pays dont j'avais déjà goûté quelques superbes vins de calcaire: Quinta da Serradinha d'António Marquez-da-Cruz, installé dans l'ancienne  appellation Alta-Estremadura, pas loin de la côté, entre Coimbra et Lisbonne. Ensuite parce qu'il ne s'agit pas d'un vin de l'année, mais d'un 99, un cru de plus de quinze ans dont on peut apprécier l'évolution, et la grâce toute bourguignonne. La Bourgogne, c'est d'ailleurs le modèle de ce vigneron qui y est allé visiter des vignerons qu'il admirait et acheter de la futaille. Un vin déroutant, au nez envoûtant d'encens, de jasmin, de terre humide et de fumée, à la bouche formidablement fraîche et parfumée, laissant pendant longtemps la sensation d'une bigarreau de début juin.
Ce 99, c'est du baga, un des rejetons les plus connus de la multitude de cépages autochtones qui contribuent à la richesse du vignoble portugais. Ici, à Leiria, il est cultivé en bio depuis 1957, les vins de Quinta da Serradinha sont d'ailleurs considérés comme naturels. Ma compagne, Isabelle, qui le goûtait avec moi en a immédiatement commandé trois caisses (miraculeusement disponibles**) pour faire partager ce bonheur avec ses clients. Un trésor de délicatesse qui dément toutes les bêtises parrot-like, MasterofWankesques, que j'ai pu lire ici et là sur le baga


La bonne nouvelle, pour les curieux et les chasseurs de tendance, c'est que ce vigneron et une trentaine d'autres vont bientôt tenir salon. Pas à Paris, désolé, mais à Barcelone, dans ce lieu joliment déjanté qui avait fait le plein l'an dernier pour Vins Nus***, à Addicted to Life, chez Fabrice Criscuolo (ci-dessus).
Plusieurs producteurs espagnols et français viendront d'ailleurs les rejoindre, ainsi que des chefs barcelonais comme Rafa Peña de Gresca, des musiciens et des artistes. L'évènement se tient les 5 et 6 mars jusqu'à la nuit, il s'intitule Simplesmente Vinho et est organisé par Malena Fabregat qui, en plus de promouvoir ceux de Galice, importe en Espagne plusieurs de ces vins géniaux dont on se demande effectivement si ce ne sont pas ceux de "la mode d'après". J'y serai.




* Le Portugal, onzième pays producteur au Monde pour la production, huitième par la surface.
** À 25€ la bouteille, on est dans l'exceptionnel.
*** Vins Nus qui se tiendra cette année le dimanche 6 mars pas très loin de Simplesmente Vinhos, dans ce même quartier de Poblenou.


Commentaires

  1. Le Portugal reste un pays plus connu pour le porto et ses plages de l'Algarve, les vins portugais ayant plus de mal à se forger une renommée mondiale... Pour preuve un dîner parisien entre amateurs dits "éclairés" qui est resté dans ma mémoire et au cours duquel j'ai entendu un monsieur prétendre que les vins de la région du Vinho Verde, hormis les rouges (!) n'avaient vraiment rien de recommandables .... C'est méconnaître une région (le nord du pays) où les cépages qui s'y trouvent sont cultivés depuis des siècles et où l'Alvarinho donne sa pleine mesure pour donner naissance à de superbes vins blancs aux arômes de fruits exotiques.
    Les Loureiro sont également l'occasion de découvrir des vins blancs à la fraîcheur surprenante, et légèrement effervescents !
    http://deVignesEnVin.com

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