Abstèmes s'abstenir.


Au nom d'un égalitarisme forcené, un enseignant collectiviste (on frise le pléonasme…) m'expliquait récemment, raisonnements à l'appui, que le terroir n'existait pas. À Cahors, en tout cas, puisque l'on sait que c'est "par hasard" que des gens comme Lydia et Claude Bourguignon, piètres connaisseurs de la pédologie, ou l'œnologue argentin Léo Borsi viennent y investir et tenter d'y produire, vraisemblablement hors-sol, des vins "avec racines". Là où le bât blesse, c'est que le prof en question, Patrice Foissac, est missionné, financé par le syndicat d'appellation (je sais, c'est une interprofession, mais quand on parle de kolkhoze, syndicat…). Qu'on utilise l'argent des vignerons pour leur tirer des balles dans le pied.
Cette discussion stupide, sur Facebook, faisait suite, j'imagine que vous l'avez compris, au mini-scandale déclenché par l'idée saugrenue de ce même syndicat, et de son directeur du marketinge, de "rendre le cahors buvable" (sic) en y ajoutant quelques produits industriels (alcools, sirops, sodas), bref en jouant au mixologue barbu et tatoué. Et voilà que cette histoire, on me la ressert ce week-end, dans un registre qui lui aussi a un petit côté "voix de son maître". C'est le belge Hervé Lalau, de In vino veritas, qui s'y colle dans la chronique qui se trouve au bout de ce lien. Rassurez vous, je ne vais pas passer une heure à lui répondre, juste lui rappeler de lire ce que j'ai écrit ici et sur ce sujet, une opinion à laquelle je ne retranche pas une virgule. Lui dire aussi que contrairement à ce qu'il laisse entendre dans sa touchante défense du directeur marketinge de Cahors (qui décidément dépense une sacrée énergie dans cette "affaire"…) que je n'ai jamais écrit que l'on devait "dicter au consommateur ce qu'il devait faire du vin". J'ai juste trouvé parfaitement ridicule qu'un organisme chargé de promouvoir le terroir d'une appellation tombe dans une pantalonnade pareille, qui n'a même pas le mérite de l'originalité: tous les vendeurs de parapluie aux idées plates qui ont envahi le Mondovino le font depuis un an, pour faire "djeun'"…

Cette petite mise au point étant effectuée, j'ai envie, malgré son immense connaissance des voyages, des dossiers et des dégustations de Presse de l'interprofession locale, de conseiller à ce cher Hervé Lalau de boire du bon cahors, moins officiel mais ô combien délicieux. Je me permets de le faire parce que lui-même me conseille dans sa chronique de m'enfiler une boutanche de "l'excellent" (re-sic) Château des Bouysses, pur produit de la coopé locale (je ne manquerai pas lors de ma prochaine visite dans le Lot, la semaine prochaine, de prendre mon courage à deux mains et d'aller pousser un caddie dans la banlieue de sa préfecture pour acquérir cette petite merveille qui sûrement améliorera mon ordinaire).
Pour ce faire, pour lui permettre de goûter le caillou de Cahors, je pourrais bien sûr l'inciter à goûter un des grands crus de cette appellation. J'ai eu la chance d'y remettre le nez cette semaine, au cours d'un dîner "sur le pouce" chez mes amis de l'Hôtel de l'Horloge à Auvillar. J'y étais flanqué, entre autres, de Matthieu Cosse, et grâce à lui et à Catherine Maisonneuve, nous nous sommes penchés sur quelques bouteilles de son cru, dont un émouvant Laquets 2002, un rouge d'une jeunesse et d'une finesse inouïe, ainsi qu'un autre Laquets, tombé du berceau, le grand 2011, et une magnifique Marguerite 2012. Tant qu'à se formater le palais au cahors, autant jouer en équipe une…

Mais, nous allons jouer plus humble, quitter le côt, l'auxerrois (désolé, cet horrible nom de malbec qui sent le rayon du bas à Bordeaux, je ne peux pas) et boire du gamay. Même pas un vin de pays comme on disait avant, un de ces IGP pour lesquels j'ai senti dans ton texte, cher Hervé, comme une pointe de dédain, pire, un vin de France, un vin de table, du gros rouge, quoi. Loin donc de "l'excellent" Château des Bouysses.
Et ce vin-là, cet étranger exigeant, ce produit d'importation nous permettra de remettre tout le monde d'accord. D'abord sur le fait qu'il n'est pas besoin de balancer du sirop de fraise ou du Schweppes dans du cahors pour le rendre "buvable" (re-re-sic). Sur cette réalité aussi qu'est celle du terroirs, des terroirs de cahors (désolé de contredire le Comité central) dont nous ne sommes peut-être aujourd'hui qu'au début de l'apprentissage. Car oui, le gamay est exigeant et possède un incontestable "effet loupe" sur les sols qui l'ont vu mûrir. Celui-ci n'est pas variétal mais gourmand et profond (j'espère que le Château des Bouysses le sera autant…). Sur un détail technique enfin qui touche au marketinge: ceux qui font le discours d'une appellation, à Cahors comme partout au monde, ce ne sont pas "les gens du syndicat" mais les vignerons eux-même, entrepreneurs et créateurs. C'est à la vigne et au chai qu'on invente, arrêtons de survendre l'impact du marketinge, du blabla officiel, de la "politique", le vin français en est pollué.
Désolé en tout cas, cher Hervé, que tu sois rentré dans les brumes du Nord, car pour te prouver que mon intention n'était ni d'entamer la fête à la tartine, ni de réouvrir la boîte-à-gifles (ou de balancer des mornifles comme disait l'autre soir Matthieu), cet Abstèmes s'abstenir, cet OVNI à base de gamay, j'en aurais volontiers partagé une bouteille avec toi, la semaine prochaine, sur le Causse.







Commentaires

  1. Il ne faut pas caricaturer; je n'ai cité le Château des Bouysses que pour l'exemple, Vincent, parce que tu parlais de Vinovalie; mais je te conseille bien d'autres Cahors, au premier rang desquels Troteligotte, Croisille (mais tu connais), Lou Domanou, les parcellaires de Triguedina, Saint Sernin, Le Cèdre, Cause, La Bérangeraie, et pour les derniers millésimes Caÿx.
    C'est toute une pépinière de talents!
    Et il n'y a rien d'"officiel" dans mes coups de coeur; des voyages avec l'interpro, j'en ai fait, c'est vrai, et j'en referai. Mais il se trouve que je passe assez souvent des vacances en Gascogne, et je n'ai pas besoin qu'on me tienne la main pour faire mes propres découvertes.
    Au risque de me répéter, je trouve que l'interpro de Cahors va dans le bon sens. C'est mon constat, tu peux avoir un autre avis, j'ai donné mes arguments, merci de croire en ma bonne foi.

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