Never mind the bollocks.


Oui, vous avez bien vu, c'est une histoire de couilles. De couilles et de créativité. Jamais d'ailleurs, je n'aurais cru vous en parler, mais la tournure qu'a prise cette histoire l'a rendue assez symptomatique d'une France pinardière très (trop?) visible aujourd'hui.
Pour ne surtout pas être confondu avec les méchants riches (souvent bordelais) qui se livrent à des pratiques sataniques comme l'assemblage, qui mettent du poison dans le vin et qui sûrement dans leurs loges secrètes mangent des enfants en compagnie de Juifs et d'Illuminatis, il faut faire peuple. Et pour faire peuple, quoi de mieux que de se la jouer poissard? Outre les vociférations d'usage, on prendra garde (comme Georges Marchais dans les seventies ou certains extrémistes de Droite) d'utiliser les tournures en vogue, susceptibles de prouver sa bonne origine populaire. Exemple, on évitera d'évoquer le frère de Gaétan heureusement remplacé par la la sœur "à" Kévin. Au lieu de bêtement aller à Deauville, on "montera sur" Paris. Si, en prime, on a la chance de disposer d'une orthographe défaillante, genre SMS, on n'en sortira que grandi. Plus vrai, minéral et racinaire.


L'histoire, donc, "l'affaire" comme on me l'a décrite, ce sont juste quelques mots (228 caractères) et une photo sur Facebook. La photo de trois bouteilles de vin de Savoie, région qui exerce depuis quelque temps un fort pressing médiatique, sur les réseaux sociaux notamment, pour tenter de devenir la mode d'après le Jura. Un lecteur, frappé par l'élégant intitulé de cette cuvée, Mé Kouilles, du vin qui en a…, m'a fait parvenir le cliché, et je dois dire que moi aussi, j'ai trouvé ça d'une grande délicatesse. D'où ce post, et ces 228 caractères.
Parce qu'effectivement, la tendance évoquée au début de cette chronique se manifeste aussi sur les étiquettes. Après un très chic Vin de merde languedocien, on a eu droit, entre autres, à un J'en veux presque plus jurassique que jurassien, ambiance corps de garde, kangourous sales et chaussettes moites.


Là, pour ce post anodin sur Mé Kouilles, du vin qui en a…, j'ai eu droit à un festival. Après Franck Merloz, homme-sandwich des vins de Savoie qui trouvait cette étiquette drôle et ne comprenait pas qu'on "s'attaque" à un domaine "aussi célèbre", a débarqué, sur ses basques, une meute hétéroclite et bornée qui m'a soudain fait craindre une dramatique réapparition du crétin des Alpes.
Franchement, je n'ai pas tout lu de ce hardi mélange de lutte des classes et de populisme aigu où, pour "ne pas avoir compris l'humour" délicat de Mé Kouilles, du vin qui en a…, on se faisait inévitablement  traiter une dizaine de fois de bobo, de snob, de Parisien de la banlieue-ouest. L'âge aussi entrait en ligne de compte; c'est parce qu'on est "vieux" bien sûr qu'on ne perçoit pas la puissance de ce sommet de la pensée de la première moitié du XXIe siècle (sympa pour les minots…). Et en guide de bouquet final, très mode, très "vu à la télé", les nécessaires accusations de "stigmatisation" et de "racisme", si pratiques, adressées à ceux qui expliquaient qu'eux non plus n'avaient pas été éblouis par le concept de Mé Kouilles, du vin qui en a…
On ne va pas s'étendre sur ce concentré de bêtise agressive, de courte vue et de régionalisme étriqué qui fleurait bon les éructations des baraques à frites de meetings du FN ou de Mélenchon. Une vision un peu rance de la Savoie, de ses supporters surtout, que je vais tâcher d'oublier pour ne pas me dégoûter de ses vins que je souhaite toute fois "plus frais".


Alors, je suis désolé (quitte a devoir de nouveau comparaître devant un tribunal populiste pour déviationnisme bourgeois) mais je ne pense pas que le désir de s'élever au dessus de Lagaf', Maître Gimms et La danse des canards soit un crime ni même un délit. Même si la normalité l'oblige, je ne sacrifierai pas au culte du nivellement par le bas. Dupont-Lajoie, non merci!
Parce que vous vous en doutez, il n'y avait aucune tentation moralisatrice dans ce post Facebook, ni même l'envie de m'en prendre à ce valeureux producteur d'Apremont et qui fait ce qu'il veut*. Juste un ressenti, face à la beaufisation d'une certaine communication du vin, plus vulgaire que grossière. Et creuse surtout. Vide, vide de sens.


Choquer, c'est bien, mais à condition d'avoir (comme ci-dessus) un message. Il y en plein de nos jours dans le Monde des vignerons qui sortent des étiquettes marrantes, dérangeantes, innovantes, provocantes, délirantes, mais leur point commun à tous est qu'ils ont quelque chose à dire, que ça va un peu au-delà d'un "caca-boudin" plus puéril que réellement kouillu.
Là, comme ça, je pense à celles de Camille et Mathias Marquet, Château Lestignac, à Bergerac. On donne à réfléchir, avec une pointe de poésie graphique en plus, ce qui ne gâte rien. Tiens, allez, je vous les offre, histoire de se reposer les yeux. De finir sur de bonnes ondes.





* Mais qui au moins se sera fait remarquer (même si la meute savoyarde m'a expliqué que ce n'était pas du tout le but…). Et pour ceux qui veulent du vin kouillu, on en trouve dans cette boutique.
** L'étiquette, sujet que j'avais évoqué ici et . Notamment.




Commentaires

  1. Alors. c'est 'dog's bollocks' en anglais, ca veut dire que 'that's fantastic' et c'est une expression surtout entendu a Londres a pas souvent autre part. C'est interressant que d'habitude nous disons That's bollocks, pour dire 'ca, c'est vachement stupide'

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    1. Oui, je sais, Nick. Le clin d'œil m'a paru nécessaire…

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  2. Non seulement, ce n'est pas classe, mais en plus, c'est sexiste.
    C'est dans la veine actuelle de la sexualisation et la vulgarisation de tout...

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  3. dans les petits vins de derrière les fagots, il y a le pire et parfois le meilleur...
    Disons à ce savoyard qu'un peu d'élégance ne devrait pas nuire à la qualité de son vin

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  4. "Et pour ceux qui veulent du vin kouillu, on en trouve dans cette boutique."

    Nous n'avons encore ni croisé ni dégusté la testiculaire - et ma foi polémique - cuvée à ce jour. On trouve bien cependant quelques autres vins de Jean-Claude Masson sur notre boutique en ligne, aux étiquettes plus discrètes pour le coup...

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  5. Il aura au moins réussi à faire parler de lui

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