Snob ou chic ?

Heureusement que c'était marqué dessus, parce que franchement, sans ça, ces quatre lettres (vino en italien), on n'aurait pas deviné que c'était du vin! On n'était pas loin, en plus vinaigré, des arômes des piquettes d'antan, celles qui nous rappellent que le vin, ce n'était pas toujours mieux avant… La bouche, comment dire? De l'eau piquante, pas très nette, colorée de rouge mais verte de goût, avec une pointe d'alcool, le truc qu'on a envie d'offrir à son meilleur ennemi, en imaginant déjà les gargouillis de son ventre, et l'amélioration consécutive et brutale de son transit intestinal. Parce que là, pour se vider comme un canard, c'est encore plus efficace que les dragées Fuca.

Rassurez-vous, bien qu'elle représente à mes yeux un sommet du snobisme pinardier, je n'ai rien contre cette bouteille*, j'ai même plutôt une tendresse pour elle, elle a été l'occasion d'un grand éclat de rire général. Évidemment, j'ai demandé s'il y avait un problème, mais on m'a dit qu'elle était "normale", "Litrozzo, ça goûte comme ça". Bon. Pour ceux qui veulent faire "l'expérience"**, ou tout simplement soigner d'éventuels problèmes de constipation, sachez qu'il s'agit d'un vin italien "issu d'une agriculture naturelle" (mais pas bio) produit dans le Latium, au nord de Rome, aux confins de l'Ombrie et de la Toscane. Le domaine s'appelle Le Coste. Rien à voir avec les chemises, le divin Marquis ou le domaine provençal dont s'occupe mon camarade Matthieu Cosse (le fou-rire me reprend en imaginant sa tronche face à un verre de ce Litrozzo…).

Moins snob que ce litron italien, je vous fais part en revanche d'une merveilleuse découverte, impromptue, que je dois à Nacho Pistacho, le Basque pédalant et débouchant de Barcelone, qui avec ma chère Shoko fait désormais chanter le bar de Monvínic. C'est la bouteille de droite, un grand cru classieux produit par une vigneronne autrichienne, Judith Beck (ci-dessous). La cuvée s'appelle Bambule!, et elle naît du cépage zweigelt que j'ai découvert pour l'occasion***. Les vignes, cultivées en biodynamie se trouvent au bord du lac de Neusiedl, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Vienne, à la frontière hongroise mais à deux pas de la Slovaquie.
Avec ses arômes de violette et de griotte, le 2014 que nous avons goûté était d'un chic absolu, profond avec sa trame de grand pinot musclé façon Rugiens, solide mais déjà délicieux à boire. À peu près l'opposé du Litrozzo…

* Bouteille d'un litre, signalons-le, une idée que j'aime beaucoup d'ailleurs. J'avais essayé d'en sortir il y a une dizaine d'années, en utilisant d'authentiques litrons français, étoilés, mais ça s'était avéré un peu compliqué pour les embouteilleurs français.

** Le produit est toutefois plus coûteux que les dragées Fuca (4,99€ la boîte de 45 comprimés), puisqu'on vend ça une quinzaine d'euros, ce qui en fait la piquette la plus chère du Monde!

*** Cépage sur lequel je me suis évidemment renseigné a posteriori et qui n'a pas une histoire reluisante. Croisement en 1922 du délicieux blaufränkisch (sorte de "gamay" autrichien) avec le saint-laurent (peut-être originaire du sud de l'Alsace), on le doit à Fredrich Zweigelt, membre du Parti Nazi qui voulait grâce à lui assurer l'indépendance de l'Autriche en matière de vin rouge. Toujours est-il que c'est bon, merci Nacho, le roi du vélo!