Mariage raté.


Pour le thon, je vote rouge! Et plutôt du rouge viril, avec ce qu'il faut de tanins naturels pour corser l'affaire. Tiens, là, sur le coup, je pense à un mourvèdre canaille comme ceux que l'on récolte dans le Levante. En tout cas, si l'on parle du filet du thon rouge de Méditerranée, dans lequel on plonge avec joie le couteau pour trancher de généreux steaks de quatre ou cinq centimètres d'épaisseur, gorgés de sang, et servis comme il se doit bleu après un violent passage à la plantxa
Pour la ventrêche, en revanche, j'ai des doutes. Je glisserai vers des rouges plus aériens, un peu ceux qui me feraient plaisir sur du gras de cochon noir, des beaujolais, des épineuils, ou même cet épatant ribeira sacra dont je me suis régalé l'autre jour*. Des jus suffisamment acides pour venir vous nettoyer la bouche du gras du poisson.


Mais bon, comme je vous le racontais ici, les mariages sont choses compliquées. Il faut parfois tenter de forcer sa nature, de prendre sur soi. 
C'est ainsi qu'en rentrant de chez ma poissonnière à piercings, j'ai opté pour un blanc. Mieux que ça, j'ai essayé un mariage très "couleur locale, ici, en Catalogne. Non, pas un excellent maccabeu des Aspres, ni même un beau carignan blanc du Fenouillèdes: un riesling. Un riesling, allemand de surcroît. Le genre de bouteille que les sommeliers de Gérone ou de Barcelone vous mettent sous le nez à tout bout de champ pour vous montrer qu'ils ont des lettres.
Et je ne vous le cache pas, le blanc en question, un Wittmann 2007, est excellent. Pas de sucre résiduel, l'âge en a de toute façon effacé le souvenir, et une acidité qui effectivement appelle le gras.


Ce vin du Rhin est d'ailleurs d'autant plus jeune et tranchant qu'il a été fort judicieusement bouché avec une capsule à vis, la grande amie des blanc et des rosés. En matière de pureté aromatique, on ne peut vraiment rien lui reprocher.
La ventrêche, dorée, arrive sur la table, rafraîchie par cette sauce d'Alicante à l'oignon doux, au persil et au vinaigre de jerez qui permet de rééquilibrer ce "bout de viande de la mer" qui sinon semblerait trop riche.


Un vin remarquable, un plat délicieux… Et c'est la catastrophe!
Enfin, je ne sais pas si on peut parler de catastrophe, mais l'assemblage des deux est parfaitement ridicule. Le riesling exprime violemment son identité rhénane, son beau et vieux fond germanique tandis que le thon, lui, chante à tue-tête toute sa splendide méditerranéité. Les deux se contredisent parfaitement, comme à chaque fois d'ailleurs que j'ai eu l'occasion d'essayer ces espèces de mariages "contre-nature". 
Pour reprendre l'exemple qui me vient souvent à l'esprit dans ces cas-là, j'ai l'impression d'être dans un album de Tintin et de  voir débarquer les Dupont(d) déguisés, accoutrés dans le costume national du pays voisin. Oui, ridicule, c'est le mot. À mon goût, bien sûr.




* Un vin de Galice donc, encore une fois, un Guímaro (bouteille ci-dessous), au rapport qualité/prix absolument époustouflant. À huit-neuf euros prix public on tient là un grand canon !


Commentaires

  1. à mariage raté, papier réussi !

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  2. Bonjour Vincent,

    Je me permets de vous écrire tout d'abord pour vous remercier à nouveau pour votre blog, qui est une véritable mine d'infos très utiles pour qui se rapproche un peu de la vie "normale", celle qui consacre un minimum de respect à son alimentation, vin y compris, ce dernier étant pour moi un aliment à part entière.

    J'ai lu avec beaucoup d'intérêt les 5 ou 6 messages dans lesquels j'ai pu glaner quelques adresses de domaines de la Ribeira Sacra (Ponte da Boga, ce Guimaro, Ronsel do Sil..), secteur qui m'attire depuis longtemps. J''ai le bonheur d'aller le visiter pour la première fois dans une quinzaine de jours. Je vais séjourner à quelques centaines de mètres d'A Teixeira, non loin des bords du Sil, dans un site qui promet de superbes panoramas...

    Accordant beaucoup d'importance à la façon dont nous allons, ma tendre et moi-même, reprendre des forces après de longues ballades, je suis donc à la recherche d'adresses de restos, bistrots, gargottes qui respectent leurs produits et leurs clients, avec autant d'amour que certains des vignerons que vous avez présenté, respectent leurs vignes.

    J'espère ne pas trop vous importuner, je sais que vous êtes par la force des choses très sollicité pour ce genre d'infos, mais c'est certainement la rançon de la franchise, qualité tellement rare aujourd'hui que l'on y court après.

    Bien cordialement,

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    1. Merci Julien,
      je ne saurais trop vous conseiller de contacter l'œnologue Dominique Roujou de Boubée, qui vit en Galice et qui en possède un double des clefs. https://www.facebook.com/dominique.roujoudeboubee
      Juste une adresse de bistroquet de rien qui me plaît:
      http://ideesliquidesetsolides.blogspot.fr/2012/04/enfin-un-bar-vin-interdit-aux-snobs.html

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    2. Un grand merci Vincent pour ces pistes,

      J'avais hésité à contacter Dominique, étant donné qu vous l'avez cité un certain nombre de fois, mais bon ce coup-ci je vais franchir le pas !

      belles vacances à vous s'il vous en reste un peu,

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