Une catastrophe.


Avec ce vigneron dont j'adore les vins, on a bouclé avant-hier le chantier engagé il y a quelques mois: rénover les étiquettes de ses bouteilles qui franchement n'étaient pas à la hauteur du contenu. C'est avec le millésime 2015, embouteillé après l'été, que le changement va s'opérer. Et, comme à chaque fois que je crée une étiquette, je l'essaye avec différentes années. Les suivantes évidemment, 2015, 2016, 2017…
Enfin, 2017, je sais depuis ce midi que pour une de ses parcelles, je n'aurai pas à l'utiliser, ni même à l'envoyer à l'imprimeur. Du 2017, sur ce terroir girondin réputé, il n'y en aura pas. Le gel de la nuit dernière a tout vendangé. J'en ai pleuré. Et surtout, j'ai pensé à sa tristesse, à son angoisse, lui qui est en train de reprendre le domaine familial et qui chaque jour sa casse le cul dans les vignes et au chai. 


Il n'y a évidemment pas qu'à Bordeaux* (sur les deux rives) que ce sale coup d'hiver tardif a fait d'énormes dégâts. Vingt mille hectares touchés en Languedoc, du Minervois aux Corbières, la Champagne touchés au nord comme au sud, le Jura bousillé, de graves alertes dans le Sud-Ouest, Chablis de nouveau dévasté, Meursault qui bataillait encore la nuit dernière, Sancerre, le Muscadet fortement abimés, la Touraine qui a intelligemment mis en place de grands moyens, à Montlouis ou Bourgueil notamment où des hélicoptères tournent sur les vignes depuis plus d'une semaine afin de tenter de limiter la casse après un millésime 2016 massacré par le gel.


Tout cela fait évidemment penser à l'année terrible, 1991, que les anciens comme moi ont connue. Je me souviens de la tristesse de ces vignerons de Cahors que j'étais allés rencontrer sur le causse. Ce mélange de douleur et de résignation dans leurs yeux, le pauvre monsieur Baldes notamment qui au soir de sa vie n'avait pas besoin de ce malheur supplémentaire. En 1991, les gelées noires des vingt et vingt-et-un avril avait amputé d'un quart la production des appellations françaises.


Une fois les larmes séchées, que peut-on faire en ce putain de millésime 2017? Je ne sais pas trop. Boire du vin, bien sûr! Plus de vin! Mais ça ne remplacera pas les raisins manquants, surtout dans des appellations qui avaient déjà connu la cruauté de la Nature l'année précédente.
Ce qu'il faut savoir, c'est que contrairement aux arboriculteurs** par exemple, les vignerons ne peuvent pas bénéficier du régime des calamités agricoles; le gel est assurable, même si l'on sait que beaucoup d'exploitants n'ont pas les moyens de le faire (malgré une subvention qui peut atteindre 65%). Il y a donc fort à parier que, sauf aide exceptionnelle, certains devront mettre la clef sous la porte. Une catastrophe.



* Et pas qu'en France d'ailleurs puisqu'en Suisse, le magnifique Valais, dont j'adore vous le savez tant de vins, a été dévasté.
* Ça n'a rien à voire mais lisez cette incroyable histoire, dans La Dépêche du Midi, un arboriculteur tarnais verbalisé par les gendarmes parce qu'il tentait de sauver sa récolte de pommes.

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