Votre amour, dites-le à la fleur…


Vous voyez cette carte? C'est une carte au trésor. Un trésor de laboureur que ses enfants n'ont pas toujours compris. Nous sommes dans le saint des saints du vignoble de Jerez, Macharnudo Alto. À Bordeaux, en Alsace ou en Bourgogne, on appellerait ça un grand cru. Cette petite colline est en tout cas un des sommets de la viticulture espagnole, un lieu où elle exprime pleinement sa personnalité, son style, sans chercher à singer ou à séduire qui que ce soit. 
Pour reprendre l'expression de ma compagne qui aime bien ainsi provoquer les buveurs locaux et internationaux, "le jerez est le meilleur blanc espagnol". Le meilleur, vous savez ce que j'en pense, le plus original en revanche me semble incontestable pour ces cauchemars d'œnologue.


Pourtant, ce morceau du patrimoine viticole a connu des hauts et des bas. La mévente, l'oubli et l'arrachage même. Mais je veux croire les optimistes qui me disent qu'ils sentent un frémissement. Il est vrai qu'on ouvre ici et là, comme à Londres, des bars à sherry. Certains restaurants en font même le centre de leur proposition, comme lors de ce repas que je vous racontais au Mandarin Oriental.
Et puis, alors que les blancs oxydés sont de moda, ce serait quand même un comble que ceux qui sont naturellement oxydatifs ne le soient pas! Profitons-en, ce serait trop bête de rayer de la carte ces vins de gentleman.


Le gros problème pour l'amateur cultivé, et singulièrement en France, c'est de se procurer les grands crus andalous, qu'ils soient de Jerez, Montilla-Moriles ou de Sanlúcar de Barrameda. Comme toujours quand il s'agit de vins étrangers, pire encore avec ces produits culturels à part entière, l'offre est d'une rare pauvreté.
Alors bien sûr, les vrais esthètes profitent de leurs séjours dans la capitale espagnole du Tourisme pour se ré-approvisionner. Mais là encore, ce n'est pas simple. Barcelone est condescendante avec l'immigré andalou, il faut vraiment pénétrer dans "la Haute" du vin pour qu'on se salisse le nez avec ce parfum trop sudiste. On en boit donc à Monvínic qui en a quotidiennement quatre ou cinq au verre, et maintenant au Bistr'eau du Mandarin, après, il faut courir. Chez Vila Viniteca, par exemple, qui met en avant les désormais célèbres Equipo Navazos (on en a même entendu parler à Paris, c'est dire…).


Mais un caviste catalan a décidé de casser sa tirelire pour dire tout son amour pour la fleur, ce miracle de la Nature sous lequel, dans le secret des caves andalouses, naissent ces ovnis œnologiques. Il s'appelle Sebastià Lozano (ci-dessus) et a démarré son business à Manresa, sur la route des Pyrénées, avant d'installer une deuxième boutique dans un Barcelone qu'ignorent les touristes, derrière la place Francesc-Macia, dans ces rues à l'architecture sud-américaine des années quatre-vingts qui sentent le botox, les transactions sans contrat et les secrets de famille. 


Nous sommes donc au numéro huit de la carrer de Beethoven, au Petit Celler. Retenez bien cette adresse, chers amoureux de la flor. Je pense notamment à toi, Bruno, gourmand parmi les gourmands, ton banquier va m'en vouloir de t'avoir révélé l'existence de cette caverne d'Ali-Baba. N'en parle pas à Michel, il est capable d'abandonner sa fiancée pour venir déboucher un palo cortado et un vieil oloroso (solera 1789) comme celui que j'ai bu hier matin au petit-déjeuner!


Sebastià Lozano, en tout cas, et toute cette équipe du Petit Celler, je veux vraiment leur faire de la pub, parce c'est beau ce qu'il fait: il a fait rentrer plus de deux-cent-soixante références de vins de Jerez, de Montilla-Moriles et de Sanlúcar de Barrameda, des petits jus sympas qui ensoleillent le quotidien de l'honnête homme aux reliques à trois chiffres. Sans compter les indispensables vinaigres, les brandies, et même un étonnant vermut à base d'oloroso, sec et empyreumatique, plus amer que doux. Des trucs délicieux mais parfois réservés aux initiés, un prise de risque quoi, largo! J'ai toujours eu plus de tendresse pour ceux qui vont au charbon pour pour les suceurs de boyaux. Grand plaisir aussi de voir que toute la famille des grands d'Andalousie, Hidalgo et Perez-Barquero en tête, est là pour les soutenir dans leur déclaration d'amour à la fleur.






Commentaires

  1. On trouve des cuvées d'Equipo Navazos au Bacaro, à Toulouse, un nouveau bar à vins hautement recommandable ...

    Il y a par ailleurs de splendides blancs fin et frais en Rias Baixas (albarino), en Ribeiro (Treixadura), en Rioja (Lopez de Heredia), ...

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    1. il est évident qu'au Petit Celler, on propose plus que les standards (fussent-ils excellents) comme Equipo Navazos, que la France a enfin fini par découvrir. Le but est de commencer à faire le tour de cet univers complexe.
      Pour ce qui est des albariños, il est urgent de passer la frontière et d'aller découvrit ceux du Portugal autrement moins technos, moins schématiques que les Espagnols.

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  2. Vincent,

    Peux-tu me fournir quelques pistes de domaines portugais sur ce cépage ?
    Palacio de Brejoeira, haut de gamme dans mes repères, en fait-il partie ?

    Je crois savoir que Dirk Van der Niepoort cultive 40 cépages blancs ...

    Pour ma part, sur Rias Baixas, j'aime bien Pazo Senorans, Pedralonga, ...

    Quelques pistes intéressantes aussi avec le godello, sur Valdeorras ou Ribeira Sacra (assemblé à albarino et Xarel-lo).

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    1. Il faut se rapprocher de cette association: http://simplesmentevinho.pt

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