L'oignon de Valls.


La politique, c'est comme le rugby. Mieux vaut être résistant aux tampons. Comme celui qu'a encaissé il y a quelques jours le pauvre Manuel Valls face à Michel Onfray (ici). Du très viril, limite plaquage-cathédrale, un truc à bouffer la langue!
Le mieux, quand on chargé de cette façon, et qu'on a publiquement gagné ses galons de crétin philosophique, c'est de se réconforter, et pourquoi pas avec des plats qui évoquent la petite enfance. La petite enfance de Manuel (Manel dirait-on aujourd'hui en Catalogne) n'en a rien à faire du rugby et de ses caramels. Elle résonne de l'hymne (écrit par un oncle Valls) de son club chéri, le Barça, et se déroule à Barcelone, dans le quartier d'Horta, près du Vall d'Hebron. Dans ce quartier, les sources ont favorisé l'apparition de nombreux jardins, des potagers notamment, où se récolte dès janvier un des légumes emblématiques du nord-est de l'Espagne: le calçot.


Selon la tradition catalane, le calçot serait né plus au sud, dans la province de Taragone, très exactement (ça ne s'invente pas!) dans la ville de Valls. Tout comme le pain de merde dont je parlais hier, le calçot de Valls bénéficie désormais d'une Indication Géographie Protégée. 
De la famille des Amaryllidacées, on peut dire que gustativement, cet oignon doux hésite entre la cébette, le poireau et l'échalote fraîche. Il est l'objet de grands rassemblements populaires et/ou familiaux, les calçotadas où on le mange grillé, voire brûlé à la flamme, trempé dans une sauce dite salvitxada, composée de tomates rôties, de piments ñora et banya de cabra, d'amandes, d'ail, d'huile d'olive, de vinaigre et de pain. Pour la calçotada (souviens-toi, Manel, ça te fera du bien), on s'équipe de grands bavoirs assez laids en papier ou en plastique, on mange debout, avec les doigts, en rinçant le tout avec de grandes rasades de cabernet-sauvignon du Penedés, parfois très acceptable à condition que le vigneron soit trop pauvre pour se payer des barriques neuves.


Comme vous le voyez, le calçot qui sort du feu est noir comme un téléphone. Et là, Manel, je tiens ta revanche. Tu sais que l'autre philosophe qui t'as désintégré au dernier match s'intéresse beaucoup au vin et à la gastronomie (il vient d'ailleurs de se faire sucrer la prochaine édition de son Université Populaire du Goût ce qui doit te réjouir). Eh bien, explique-lui que toi le Catalan, tu es bien moins couillon que les gastronomes français comme lui, toi, tu sais que les calçots, on ne mange pas ce qui est cramé, tout noir, on le jette, on ne garde que le cœur. Pas comme les foodistes du Sentier ou de Charonne qui se font fourguer de faux poireaux de vignes baptisés poireau-crayons, qu'on leur sert horriblement brûlés et avec lesquels ils font semblant de se régaler. Figure-toi qu'il y en a même chez les Jeff Koons de la marmite qui songent à revendiquer la paternité, la propriété intellectuelle de la recette des Amaryllidacées carbonisées. Tu vois, tu n'es pas plus crétin qu'eux. Tu es juste différent.
Allez, Manel, pense au Barça, sois fier! Et file à Valls manger des calçots, la saison est bientôt terminée.




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