La Justice, sur un plateau…


On se plaint souvent, surtout quand elle nous donne tort évidemment, des décisions rendues par les juges. En voici deux pourtant, tombées en quelques heures, dont la haute valeur symbolique réjouira les œnophiles et les gastronomes.
La première concerne donc le vin. Elle a été rendue par le Tribunal de Grande Instance de Paris et une victoire presque totale pour Inter Rhône. Vous l'avez lu ici, l'interprofession des crus de la Vallée du Rhône était attaquée par l'ANPAA, l'Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie qui estimait que sa dernière campagne de promotion était non-conforme à la satanée Loi Évin. Inter Rhône ne souhaite pas visiblement (bizarrement?) communiquer sur cette affaire*, mais de source judiciaire, on m'a confirmé que les deux visuels de la campagne, ces fameuses images de ballon rouge notamment (ci-dessous), avaient été validés par les magistrats qui ne les trouvent pas illégales.


Pas d’amende pénale donc pour Inter Rhône comme le souhaitaient les prohibitionnistes, ni de dommages-intérêts pour l’ANPAA, mais les vignerons doivent payer 1500 euros au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Pénale, parce qu'il "serait inéquitable de laisser à l'ANPAA la totalité des frais" ((alors même que c'est elle qui a attaqué…).
Le Tribunal interdit en revanche à Inter Rhône d'utiliser le slogan Au goût de la vie. Il faudra donc trouver une alternative. C'est vrai que la vie, on comprends que ça fasse frémir les croque-morts de la prohibition.
Merci en tout cas aux magistrats de ne pas avoir totalement suivi les demandes de ces malades, véritables ennemis de l'intérieur du vin en France, une filière qui il est bon de le rappeler outre la place prépondérante qu'elle joue dans le tourisme représente le second poste excédentaire du commerce extérieur hexagonal, derrière l'aéronautique et devant l'industrie du parfum.


La seconde décision de justice arrive de beaucoup plus loin, des États-Unis où un juge fédéral américain a annulé l'interdiction de la vente du produit en Californie, estimant qu'elle interfère avec la législation commerciale locale. Le foie gras y a de nouveau droit de cité dans l'état de la Côte Ouest malgré l'interdiction votée en 2004 mais qui n'était  entrée en vigueur que le 1er juillet 2012. Les restaurants qui servaient ce produit de luxe pouvaient jusqu'alors recevoir des amendes allant jusqu'à mille dollars. Vous trouverez ici l'intégralité de ce jugement historique.


Mes amis animalistes sont, comme il se doit, révoltés. Dans un communiqué mercredi, l'organisation PETA a qualifié de «cerveau gras les cuisiniers qui ont besoin d'une loi pour arrêter de servir l'organe proche de l'explosion d'un oiseau qui a été cruellement gavé de force».
Là encore, merci aux magistrats pour cette décision servie sur un plateau…


 

* Inter Rhône a finalement publié que je viens de recevoir, le voici donc, en addenda 9 janvier 16h35):
Les vins des Côtes du Rhône vont pouvoir continuer à communiquer autrement
L’ordonnance de référé rendue le 7 janvier dernier par le Tribunal de Grande Instance de Paris autorise le maintien des visuels même si elle demande un changement de slogan. Après avoir été précurseurs avec leur campagne radio impactante, les vins des Côtes du Rhône et Côtes du Rhône Villages ont lancé fin 2014 leur nouvelle campagne publicitaire France dont l’objectif est d’être en adéquation avec la perception des vins des Côtes du Rhône.
Assignée en Référé par l’
ANPAA (Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie) le 19 novembre 2014, Inter-Rhône (Interprofession des Vins A.O.C. Côtes du Rhône et Vallée du Rhône) vient de prendre connaissance des conclusions de l’ordonnance en référé du 7 janvier dernier. 
« Cette décision est une décision équilibrée qui reconnait qu’une fois de plus la communication des Côtes du Rhône reste responsable tout en se voulant impactante », se félicite Michel Chapoutier, président d’Inter-Rhône. En effet, le jugement n’a pas fait droit à la demande de dommage et intérêt de l’ANPAA mais prévoit la suppression du slogan sachant « qu’il ne peut être sérieusement soutenu que l’expression « goût de la vie » correspond à la composition du vin, même entendu de manière très extensive, comme provenant d’un produit, soit du raisin, « vivant » » pour reprendre les termes de
l’ordonnance de référé du 7 janvier 2015. Ainsi, les visuels qui s’inscrivent dans le cadre d’une consommation modérée ont été qualifiés de « dessins non dénués de qualité artistique » ne justifiant pas « un trouble manifestement illicite ou d’un dommage imminent présentant les mêmes caractéristiques que le juge des référés aurait le pouvoir de faire cesser ou prévenir » toujours selon les termes de l’ordonnance de référé du 7 janvier 2015.
De même, pour le Tribunal, la couleur rouge, élément identitaire des campagnes Côtes du Rhône « se rattache en premier lieu à la nature du vin proposé par les professionnels regroupés dans l’association Inter-Rhône lesquels produisent principalement du vin rouge, et que la campagne tend à associer dans l’esprit du public cette particularité à la région des Côtes du Rhône. ». En cohérence avec les campagnes des vins des Côtes du Rhône à l’international, la campagne France capitalise en effet sur la couleur rouge, un univers de communication légitime qu’ils ont su préempter.
Ce jugement sera bien évidemment pris en compte par l’Interprofession dans le cadre des nouvelles étapes de la campagne en 2015.




Commentaires

  1. Décisions réjouissantes même si le fait qu'une "législation commerciale" puisse prévaloir sur une décision démocratique (en supposant que ce soit le cas) ne peut que m'inquiéter.
    Un avant-goût de ce qui risque ne nous arriver en France / Europe si le traité de libre-échange transatlantique (TAFTA) était approuvé en l'état ?

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés