La préférence régionale.


C'est un de ces textes de Loi qu'on n'imagine pas trop ailleurs qu'en Suisse. Je sais qu'il va en choquer certains, on pourra y voir un zeste de repli sur soi, une tentation de protectionnisme, des relents de chauvinisme… Personnellement, je le trouve sympathique.
Il s'agit de la nouvelle loi genevoise sur les cafés. Elle a été examinée en début de semaine par la commission de l’économie de la République et Canton de Genève et doit maintenant être votée par son Parlement. Comme vous vous en doutez, il y est question de la réglementation des débits de boissons, dont on y parle de tout un tas de trucs techniques, les heures d'ouverture, etc dont les étrangers que nous sommes se fichent un peu. En revanche, il y a une mesure inscrite dans ce projet de loi qui peut étonner: l’obligation de faire figurer un vin genevois sur la carte de chaque bistrot du canton.


Cette mesure, ce projet de mesure n'est en fait pas une première au sein de la Confédération helvétique. Le canton voisin de Vaud, riche lui aussi en vignobles réputés, avait imposé ce principe il y a plus de dix ans comme en témoigne l'article 41.2 de sa Loi 935.31 sur les auberges et les débits de boissons du 26 mars 2002. Une texte que les vignerons vaudois ne prennent pas à la légère puisqu'il y a deux ans encore, ils ont lancé une enquête dans le canton afin de parer à tous les manquement.
Ce qui est amusant de relever, c'est que ces mesures sont prises alors que le vin suisse, qui ne manque pas de crus exceptionnels* sur lesquels j'ai la chance de pouvoir m'émerveiller souvent (merci Clio!), se vend sans problème. La quasi totalité de la production suisse est écoulée sur place, seul 1 ou 2% sont exportés, mais je peux vous assurer que c'est la croix et la bannière pour se procurer quelques flacons des grands crus helvétiques! Vous le voyez, il y a vraiment dans tout ça une question de fierté régionale, cantonale (que je ne trouve pas si mal placée que ça), on est fier de porter le maillot.


Je me dis d'ailleurs, en repensant à la forte identité préservée des vins suisses, que nous pourrions peut-être, en France, nous inspirer de ce principe de préférence régionale. Oh, je sais, il y a des régions, comme l'Alsace ou la Bourgogne voire Bordeaux, où ce n'est pas la peine de légiférer, mais parfois… Tiens, quand par exemple je suis à Toulouse, qu'on me propose tout un tas de trucs venus des quatre coins de France** et que je n'arrive pas, pour arroser mon cassoulet à mettre la main sur un bon fronton, sur un chouette cahors, un marcillac rigolardn un vrai madiran, un superbe gaillac… Ou quand, dans le Val de la Loire, le serveur prend un air pincé pour m'annoncer qu'il n'a pas de breton parce que les tanins…
Enfin bon, faut pas rêver! Inciter, obliger même à vendre du vin, fut-il régional, ce n'est pas demain la veille qu'on verra ça en France, au pays du prohibitionnisme subventionné. Les Suisses (et les autres) peuvent continuer à se moquer de nous et de notre inégalable talent pour nous tirer des balles dans le pied.



* Là, au moment où j'écris, j'ai envie de croquer une bouteille de Cornalin, du Domaine Cornulus (photo ci-dessous), la cuvée Antica. De me vautrer dans ce fruit éclatant comme dans la luxure, plonger dans cette chevelure noire. Mais il y en a tant d'autres…
** Ne nous méprenons pas, vous connaissez mon goût pour la découverte et la diversité. Mais pourquoi ne pas commencer par le commencement.

Commentaires

  1. A Toulouse, il n'est tout de même pas aussi compliqué que cela de trouver les vins des alentours. Le problème est davantage d'y trouver les bons...

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    1. Au restaurant, au bistrot, je ne trouve pas que c'est si facile que ça, mis à part certains rossignols.

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  2. Pas sûr que l'UE autorise ce genre de loi en France.
    Et c'est dommage. Mais on est tellement "ouverts" qu'il y aurait la moitié des types qui trouveraient que c'est une mesure discriminatoire et nationaliste (donc dangereuse, pas gentille, "la France c'est pas ça" etc) et l'autre moitié qui trouverait ça bien, justement parce que ça favorise la protection nationale (alors que le vin ils s'en fichent royalement, rêvent de rouler en Audi et partent au Maroc tous les étés...).

    Quant aux Suisses... ils n'en ont pas besoin mais ils le font. Comment dire ? Ca ne pouvait pas arriver à un pays aussi euh "sympathique" (ironie, oui).

    Tom B.

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  3. Dépoussiérer cette prohibition qui s'croit bien pensante et hop ! Un coup d'Cid' pour tout l'monde !

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  4. Vu " la préférence cantonale". Je ne suis pas enthousiasmé. Sans referendum ni légilsation je n'ai pas encore vu en France de localité où on ne propose pas un vin du pays. ni même dans des régions de production où on n'ait pas à la carte des vins venus 'd'ailleurs".

    Je suis du coup contre toute législation à cet égard.

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    1. Des bistrots, restos, kebabs, mcdo où l'on ne propose pas en France le vin du pays? Vous êtes sûr?

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