Vive la France d'après !


Oui, vive la France qui aura fait le ménage, celle qui aura fait le tri, celle qui arrêtera de regarder la vie dans son rétroviseur. Pourquoi ce coup de gueule? Parce que je découvre avec retard l'excellent papier de Mathieu Doumenge dans Terre de Vins où il m'apprend que le Domaine des Côtes de la Molière, installé à Vauxrenard dans le Beaujolais, a reçu il y a peu "un courrier de l’organisme certificateur Cibas agréé par l’Institut National des Appellations d'Origine lui annonçant le déclassement d’une parcelle de trente cinq ares pour défaut de palissage : la vigne concernée est donc retirée de l’appellation Beaujolais-Villages pour être transférée en Vin de France".
Pour tout comprendre, lisez l'intégralité de l'article ici. Mais en gros, ce qu'on reproche à ces vignerons bio c'est de ne pas avoir appliqué une directive officielle qui en fait cautionne une pratique qui permet tout sauf l'amélioration de la qualité. D'avoir essayé de réfléchir par eux-même, avec leur tête, avec leur cerveau, pas comme des moutons.
Le contrôleur*, me direz-vous, n'a fait que son travail. Pourquoi pas. "Essayer de comprendre un ordre, c'est déjà désobéir"… Belle victoire en tout cas pour les gratte-papiers de l'INAO, pour cette France de fonctionnaires vétilleux, qui ne rêve qu'à sa retraite, de cette France qui se meurt et qui me fait donc rêver à "la France d'après".


Tant qu'on y est à évoquer le dernier pays communiste d'Europe, deux autres petites infos. La première peut sembler très anecdotique, je la trouve révélatrice d'un état d'esprit, d'un flicage qui se met en place. L'histoire est arrivée à Frédérique Barriol-Montès, vigneronne émérite du Roussillon, au Domaine La Casenove, à Trouillas.
Comme beaucoup de ses consœurs et confrères en cette saison, elle a du se rendre à la banque afin d'aller chercher la paye de ses vendangeurs à la banque. Onze mille euros. Oui, parce que les vendangeurs (je le précise, parce qu'on ne le sait pas toujours quand on vit sous les ors des palais de la République, au crochet des contribuables), ça se paye principalement en liquide. Surtout qu'ils sont principalement étrangers. Et là, implacable, les mâchoires de la machine administrative se sont refermées sur elle: "madame, il vous faut justifier ce retrait!"
Ça, une lettre de chacun des vendangeurs, ça va lui simplifier la vie à Frédérique qui en a sûrement besoin à ce moment de l'année. Merci, messieurs-des-ronds-de-cuir pour ce coup de pouce à ceux font manger (et boire) le pays…


Allez, une ernière petite histoire de vendanges dans cette nouvelle URSS qu'est la France: c'est passé un peu inaperçu, dans le tumulte de la rentrée, tandis que les vignerons avaient bien autre chose à faire. Selon Les Échos, les champions qui nous gouvernent s'apprêtent à supprimer les "contrats vendanges", des CDD spécifiques, d'un mois maximum, réservés à l'emploi d'une main-d'œuvre spécifique, le temps des vendanges donc. Un contrat avantageux pour le salarié, puisqu'exonéré de l'essentiel des charges salariales (9,3% au lieu de 45%), et qui permet aux salariés du public comme du privé de travailler pendant leurs congés.
Trois cent mille vendangeurs (vous savez, ceux qu'on paye en liquide) sont ainsi recrutés chaque année dans le vignoble français. L'an prochain, on fait quoi, on les remplace tous par une machine?


Tout cela donne envie évidemment de citer pour la énième fois la phrase jetée à la figure de Jacques Chirac par Georges Pompidou alors premier Ministre en 1966: "Mais arrêtez donc d’emmerder les Français. Il y a beaucoup trop de lois, trop de règlements dans ce pays!" Ce bon sens pompidolien nous manque dans ce pays qui s'échauffe, où l'en sent (entre autres) la jacquerie proche. Dans ce pays qu'on essaye sans autorité de faire marcher au pas, de rentrer dans un moule trop étriqué pour lui.
quitte à faire un peu d'amalgame (dans le monde du vin, on adore, ça fait journaliste-télé)
Il est temps de la mettre en route cette "France d'après". Avec de nouvelles têtes, de nouvelles idées. Avec des gens responsables et respectueux, pas des agitateurs ou des comédiens. Des gens de Droite, de Gauche, du Centre qui ont déjà travaillé honnêtement, en entreprise notamment, plutôt que, tels des julots casse-croûte, faire du vampirisme politique leur métier. Des gens qui osent regarder la réalité en face et la décrire. Des gens conscients du fait qu'il est temps, loin des vieilles lunes, de pousser la porte du XXIe siècle.




* Une suggestion, d'ailleurs: tous ces contrôleurs, apparemment consciencieux et très minutieux, on ferait mieux de les mettre à la Douane de l'aéroport de Marseille, ça nous éviterait de passer pour des cons à la face du Monde



Addenda (25 IX 2014): Isabelle Perraud, qui avec son époux, tient les rênes des Côtes de la Molière vient d'annoncer que "les vignes ont été palissés et on a retrouvé l'appellation! Pas d'autre choix même si c'est une vieille vigne qui ne le méritait pas!" Les grattte-papiers ont gagné, les fils de fer réglementaires sont là comme le montre la photo ci-dessous. Au mépris du bon sens agricole.

Commentaires

  1. Vivant a Londres depuis neuf ans maintenant (et donc avec vue imprenable sur la France puisque beneficiant d'un peu de recul), je ne peux, malheureusement, qu´etre d´accord avec ce que vous ecrivez.

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  2. C'est assez lamentable de faire peser sur l'INAO la faute de règles édictées par les vignerons eux-mêmes. Ce sont eux qui les mettent en place. A partir de ce moment, ou une règle est édictée collectivement, la règle doit être la même pour tous qu'il soit excellent vigneron ou non : ce n'est pas parce que j'ai une belle voiture que j'ai le droit de faire du 90 en ville. On peut bien sûr reprocher à cette règle de n'avoir pas pris en compte l'ensemble des cas de figure : ce qui est le cas dans le cas présent aboutissant à cette situation aberrante. Il est évident que si le contrôle avait été effectué par une ingénieur agronome de l'INAO, il aurait fermé les yeux, pour 35 ares, vu l'âge de la vigne, il est évident, connaissant suffisamment de fonctionnaires de l'INAO, qu'il se serait bien aperçu que la règle ne visait pas ce cas de figure, il aurait fermé les yeux... le problème est qu'on a laissé la charge du contrôle de ces règlements à des cabinets privés sans aucune formation viticole : donc ils regardent bêtement si le cahier des charge est appliqué ou non... une fois leur rapport écrit, impossible à l'Etat de se rétracter. L’aberration, c'est le désengagement de l'Etat de nos nos campagnes laissé à la proie de cabinets privés.

    Le négoce n'attend que ça de n'avoir aucune contrainte et no limit : appeler Pauillac un vin de table à 100hl/ha Je ne suis pas sûr que le consommateur soit gagnant dans cette déréglementation appelée de vos vœux de façon sous-jacente. Nous savons tous, connaisseur de l'histoire viticole mondiale que de la déréglementation a systématiquement dégénéré en crises qualitatives, en scandales et en crises de surproduction depuis l'antigel autrichien à la surproduction portugaise précédent les lois de Pombal. Regardons l'histoire : si tous les pays au monde ont cherché à copier notre modèle des AOC françaises c'est qu'elle garantit une qualité recherchée par les consommateurs des autres pays. Ces AOC françaises sont imparfaites aujourd'hui nous en sommes tous convaincu : elles ne sont pas homogènes et certaines ne sont pas assez contraignantes : 100hl/ha en rendement maxi pour une AOC ce n'est pas admissible. j'aspire au contraire à des politiques volontaristes de l'Etat efficaces qui permettent de mieux borner et de rassurer sur la qualité minimale des appellations. J'aspire que ces "gratte-papiers" (vous n'avez vraiment pas beaucoup rencontré de fonctionnaires de l'INAO !) soient les garants d'une qualité renouvelée au sein de règles collectives ou les bios peuvent avoir une place et où l'individu a sa place pour s'exprimer et marquer sa patte.

    Et par ailleurs oui cela me semble logique qu'on ne puisse pas retirer 11 000€ d'une banque en liquide sans un minimum de justificatifs. Dommage pour les banques Suisses mais tant mieux pour nous.

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    1. Monsieur, votre défense de l'INAO est touchante, j'en suis presque ému. Pourtant, oui, il y a des grattte-papiers dans cette vieille institution. Oui, on fait croire que les vignerons décident mais leurs décisions sont plus que guidées. Oui, les contrôles d'hier et d'aujourd'hui sont trop souvent marqués du sceau de l'incompétence. Oui, et malheureusement, ce système craque de tous côtés.
      Les vignerons, la France, ont besoin d'air!

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    2. Bon prince, je ne vous ai pas répondu, monsieur Gombault sur la partie bordelaise de votre commentaire, car on ne tire pas sur les ambulances (vous voulez que l'on reparle de Saint-&-Millions? Ah, pardon, j'oubliais, ce n'est pas l'INAO…). Cela étant, du grand médoc, pas du pauillac mais du saint-estèphe à 100Hl/Ha, oui, j'en ai bu, et plus que de raison. Du 1990.

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    3. oui, quand on râle, c'est toujours ce qu'on nous balance à la figure, que les règles ont été établies par nous autres, vignerons... Perso, on nous a pas appelé pour établir ces règles. Et puis quels vignerons? Ceux qui vendent à 100% aux cave coop ou aux gros négoce. Nous ne faisons pas le même métier qu'eux. J'en ai l'intime conviction. Le vigneron n'a pas une pensée unique. Et non!

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    4. C'est bien pour ça que dans de plus en plus de régions, les vignerons bios s'organisent pour peser enfin sur les décisions collectives. Vous partagez les AOC avec le négoce et les coop et à ce jour, sauf encore une fois éventuelle politique volontariste de l'Etat (qui en manque singulièrement encore une fois trop occupé à réduire sa dette) de privilégier un mode de culture ou de commercialisation au détriment d'un autre, le résultats des travaux de mise en oeuvre des AOC ne sera qu'un travail de compromis.
      Que l'équipe dirigeante qui préside au destinées du Beaujolais soient des tocards en débarquant quasiment tous les projets qualitatifs de la précédente présidence : ça c'est évident :le beaujolais s'est joliment tiré une balle dans le pied en élisant ces mecs là (et je doute que les mecs de l'INAO aient vu d'un bon oeil les premières décisions du syndicat..; dont la décision de réduction de la densité des vignes). Face à ces gusses, il n'y a pas le choix, créez un syndicat, défendez vous : si les vignerons sont pluriels il faut qu'ils soient tous représentés. Il y a plein d'appellation qui réussissent à faire des trucs supers. tiens : Ce que fait Patrick Beaudoin sur l'AOC Anjou blanc est nickel (et non ce n'est pas l'INAO qui lui souffle quoi faire... http://www.lepoint.fr/vin/guides/special-vins-2013/anjou-blanc-le-retour-de-rene-05-09-2013-1721505_1907.php ).
      Je ne supporte pas le "de toute façon ça ne sert à rien" de participer aux instances collectives : c'est le meilleur moyen de se voir imposer par d'autres ce qu'on ne veut pas voir.

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    5. M. Pousson,
      j'ai lu avec intérêt votre article. Malheureusement, celui-ci et vos réponses sont truffées de contre vérités et d'inexactitudes. Pêle-mêle, j'apporte donc quelques précisions (qui vont dans le sens de la réponse de M. Gombault) :
      - le viticulteur bio n'a pas respecté une directive officielle ? non, il n'a "juste" pas respecté le cahier des charges de l'AOC Beaujolais. Alors qu'une directive est un acte pris unilatéralement par les pouvoirs publics, le cahier des charges de l'AOC est élaboré par l'ODG qui regroupe en droit l'intégralité des producteurs de l'AOC. Je persiste et signe (au contraire des propos de Mme Perraud) : ce sont les vignerons qui décident des conditions de production de leur AOC, pas l'INAO. Révisez (ou apprenez, c'est selon) la réglementation communautaire (OCM vitivinicole), et nationale (le code rural entre autre).
      - défense touchante de l'INAO ? L'INAO (et sa tutelle le ministère de l'agri) ne sont pour rien dans la réforme des AOC de 2006 liée à une réforme européenne. Les contrôles sont dorénavant opérés par des organismes tiers et indépendants et l'INAO supervise ces contrôles mais ne fait plus de contrôle de 1er degré (sur le terrain).
      - J'aimerais bien goûter du Pauillac à 100 hl/ha. Mais à moins de prouver l'existence de parcelles éponges, c'est impossible
      - enfin, taper sur l'INAO et ses fonctionnaires sans maîtriser l'organisation et le fonctionnement de l'institut (qui soit dit en passant ne s'appelle plus depuis 2006 l'Institut National des Appellations d'Origine mais l'Institut NAtional de l'Origine et de la qualité) est quelque peu paradoxal. C'est un institut où le pouvoir des professionnels est légalisé. Certains professionnels ont eu leur mot à dire sur le classement de St Emilion.

      Thomas

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