On a beau prier le Bon Dieu…


Respecter la nature, est-ce renoncer à la transformer? C'était une des questions de l'épreuve de philo, hier au Baccalauréat. Je n'ose imaginer les débats enflammés si l'on transposait cette interrogation au monde du vin. D'un point de vue philosophique, mais aussi écologique, voila un merveilleux sujet de débat, pour peu qu'on décide de l'ouvrir sous les auspices de l'intelligence et non de la passion.
Nous y pensions, hier matin encore, en admirant les œuvres de land art agricole qui ornaient les collines du Lauragais, entre Toulouse et Carcassonne, puis, passé la limite de l'olivier (Bram, la patrie de la tribu Spanghero), l'irruption géométrique de la vigne, remodelant le paysage, quelque part entre Hartung (sa période corbiérenc notamment) et Soulages. Ne serait-ce que cette notion de paysage, invention récente héritée de la Renaissance, marque l'emprise de l'Homme sur la Nature.


Je pense que si j'évoque aujourd'hui ce sujet qui m'est cher, c'est aussi pour avoir lu dans la soirée le dialogue inspiré, plein de bon sens, du cévenol Jean-Claude Carrière avec François Mitjavile, un des derniers vignerons virgiliens de Saint-&-Millions. Lisez vous aussi, on en trouve de passionnants extraits ici, sur le blog de Nicolas de Rouyn, on se sent moins seul en les écoutant parler ces deux-là. Et l'on réfléchit à son tour, comme nous le faisions sur la route de Carcassonne, sur les limites de l'intervention humaine, mais aussi sur sa nécessité, qui peut être tout sauf maléfique.
Et l'on s'interroge aussi sur les drames météorologiques dont nous abreuve cette télévision dont on se dit souvent qu'il est plus intéressant d'écouter tomber la pluie que de l'entendre débiter ses borborygmes convenus. On essaye d'évaluer notre responsabilité (pas celle du voisin, celle de chacun), notre comportement quotidien qui tourne le dos aux beaux discours repeints de vert: trop d'avion, trop de voiture, trop de CO2, trop d'énergie dépensée pour des vanités. Cela a-t-il réellement un impact, le prisme grossissant de l'actualité aurait tendance à nous faire croire que oui.


Et inéluctablement, l'on pense à ces vignerons de Vouvray, à ces paysans de Charente, du Poitou, qui en quelques minutes ont vu le travail d'une année (parfois plus) anéanti par des forces que nous pensons ne pas maîtriser, par ce Ciel qui d'un seul coup perd sa divine majuscule tant son œuvre nous semble diabolique. On pense à eux, j'ai préféré le faire gaiement, avec cette photo (tout en haut) de Benoît Gautier, vigneron à Parçay-Meslay, prise avec Michel Smith, lors du dernier salon des vins de Loire, en buvant des canons de moelleux. Son domaine ne fait pas partie, dit-il, des plus touchés par les dévastatrices chutes de grêle de ces dernières quarante-huit heures, mais il nous incite à penser à tous ses collègues qui ne vendangeront pas en 2013. À penser à eux (au grand François Chidaine notamment!), et à acheter et déboucher au plus vite une ou deux bouteille de vouvray, parce que c'est encore le meilleur moyen de les soutenir efficacement! Dans ces cas-là, nous nous sentons tous impuissants, muets, face à la puissance des éléments. Face à sa violence, une violence qui nous semble tellement injuste qu'on se demande se que fait le Bon Dieu.
Parce que c'est aussi cela, la Nature. La violence, l'hostilité, l'inhospitalité. Au delà des clichés à l'eau de rose, rousseauistes tendance TF1, mièvre-branchés, des citadins-citoyens, c'est un combat, un mano a mano paysan où la sueur intervient plus que la salive. Mais un combat qui doit se faire dans les règles de l'Art, avec amour, dans le respect d'un certain Ordre naturel, d'un équilibre, d'une précieuse harmonie. En espérant que le Bon Dieu nous protège dans les jours à venir, alors que les nuages noirs continuent d'obstruer le Ciel.


Addenda (que j'aurais souhaité ne pas avoir à faire): là , je parle de Vouvray, mais tant qu'à déboucher une ou des bouteilles de gentils vins de vignerons tristes (parce ce que sinistrés par la grêle), n'oubliez pas nos chers amis de Cahors, dont je vantais il y a peu encore les mérites. Sans compter les impacts en Priorat et en Suisse, sur La Côte et vers Genève, que me rapporte mon copain Fredi Fresquito Torres (ci-dessous), l'homme qui parle à l'oreille des mulets.


Commentaires

  1. Benoit Gautier, qui s'est exprimé à propos de cette catastrophe sur France Bleu Touraine. Ça s'écoute ici http://www.francebleu.fr/player/export-reecouter?content=656642

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