Valentin n'est pas un saint, juste un bon-à-rien!


Au début, on a appelé ça les "taches de Roquemaure". C'était au début des années soixante. Dix-huit-cent-soixante. Des vignes proches de cette commune gardoise de la future appellation Lirac se mirent à dépérir sans raison connue. Une véritable catastrophe dans cette région où prospèrent de vastes domaines dont les côtes-du-rhônes voyagent et s'exportent bien. On essaye un peu tout, la chimie, les moyens du bord, mais le mal se propage inexorablement et gagne les parcelles voisines. Il ne reste plus qu'à se tourner vers le Ciel. Le riche propriétaire du Château de Clary, Maximilien Richard fait le voyage de Rome où se tient à l'époque une brocante permanente de reliques sacrées. 
– Vous avez quoi en stock?
– Saint Valentin. Ça fera l'affaire?
– Tope là!


En octobre 1868, Maximilien Richard revient à Roquemaure, accueilli comme un héros. Le vingt-cinq du mois, une procession est organisée, l'évêque de Nîmes vient sur place accueillir les reliques de saint Valentin. Après les cérémonies et les prières d'usage, elles sont disposées dans une chasse, à la droite de l'autel de la collégiale Saint-Jean-Baptiste, pas très loin du buste d'un autre hiérarque catholique porté sur la bouteille, le bordelais Bertrand de Got AKA Clément V. Las, les vignerons gardois avaient présumé des forces divines, aucun miracle ne se produisit, les "taches de Roquemaure" se répandirent de plus belle à travers toute l'Europe. Face au phylloxera, car c'est de cet infâme puceron amerloque dont il s'agit, saint Valentin n'était qu'un bon à rien.


Mais, vous vous doutez bien que si je vous parle de ce cher (coûteux même parfois) saint Valentin, c'est en raison d'une actualité plus brûlante que le phylloxera. À l'heure des mailings et des invitations virtuelles, comment passer au travers, dans la majeure partie du monde occidental (et encore plus chez les Anglo-Saxons) de la grande fête commerciale qui se déroule tous les ans le quatorze février? Je faisais le calcul tout à l'heure, en déjeunant, du nombre incroyable de messages reçus depuis ce matin et se réclamant de saint Valentin. Lequel, d'ailleurs, de Valentin? L'Église catholique romaine en recense au moins trois, dont celui de Roquemaure.


N'empêche qu'en son nom, et en celui de l'Amour, tout est à vendre ce jours-ci. Faites donc le compte de tout ce pour quoi on vous a démarché en perspective du Valentine's Day, un véritable inventaire à la Prévert. Moi, j'ai reçu des offres pour des bijoux, des billets d'avion, des séjours "romantiques" (sic), des téléphones, du vin, des vêtements, des repas au restaurant, des séances de spa, des fleurs, du vernis à ongles, des cours de pilotage pour dames, des talons aiguille, des baptêmes d'ULM, de l'escalade (si, si…) et, bien sûr, parce que je suis moderne et "ménagère de moins de cinquante ans", tous les derniers gadgets, lubrifiants et dessous des meilleurs sex-shops de la Toile.


Par parenthèse, parmi tous les épiciers qui ont de l'amour à revendre ces jours-ci, les tenanciers de sex-shops ne sont pas les plus inopportuns. En tout cas si l'on s'intéresse aux vraies racines de la Saint-Valentin qui, comme souvent pour les fêtes chrétiennes, repose sur un rite antérieur et donc païen. En Grèce, déjà, puis à Rome se déroulaient à la même période de l'année des célébrations de la fertilité aux contours vaguement orgiaques, sous les auspices de Pan. L'aimable Cupidon (et les valentins) ne sont arrivés que bien après, au minimum quinze siècles plus tard, en Angleterre davantage qu'en France.
Malgré les efforts redoublés de l'Internationale mercantile, la Saint-Valentin n'est d'ailleurs pas fêtée dans tous les pays du Monde, y compris en Europe. En Espagne par exemple, la région catalane y échappe préférant célébrer la Saint-Georges, ou Sant Jordi, le vingt-trois avril où les couples s'offrent des roses rouges et des livres.
Une pensée enfin pour les célibataires et tous ceux pour lesquels la Saint-Valentin ne fait que souligner au crayon gras l'absence de l'autre et, éventuellement, donner des pensées noires*. Rien ne leur interdit d'ouvrir ce jour-là une bouteille de saint-amour (ou du vin de leur choix) en écoutant la voix rauque de Tom Waits sur Blue Valentines.




*La Saint-Valentin est célèbre aussi pour ses massacres dont celui commandité par Al Capone en 1929 à Chicago.



Commentaires

  1. C'est un peu le point de départ de "Some like it hot", un massacre mafieux, et c'est encore plus son point d'arrivée, un massacre des conventions pour le dieu d'amour et cela est diablement d'actualité, non ? Alors pour les bonnes bouches, ci-après, l'objet du délit en VO :
    Daphné : "We can't get married at all"
    Osgood : "Why not ? "
    Daphné : "Well, in the first place, I'm not a natural blonde ! ".
    Osgood : "Doesn't matter..."
    Daphné : "I smoke. I smoke all the time. ".
    Osgood : "I don't care. "
    Daphné : "I have a terrible past. For three years now, I've been living with a saxophone player. ".
    Osgood : "I forgive you. "
    Daphné : "I can never have children".
    Osgood : "We can adopt some"
    Daphné en ôtant sa perruque : "You don't understand, Osgood, I'm a man ! ".
    Osgood : "Well.. nobody's perfect ! "

    Vous, je ne sais pas, mais moi après Tom Waits je prendrai bien la tangente canapé avec Billy Wilder et toute sa bande.
    Et pour les cinéphiles : "Well, bon voyage" (in memoriam Peter Lorre aka Dr Einstein)... car, oui, l'arsenic est parfaitement innocent surtout en vieilles dentelles.

    RépondreSupprimer
  2. "Faites l'amour, pas les magasins"
    Si je peux me permettre, l'un n'empêche pas l'autre...

    Histoire de Valentin de Terni
    http://apercu.petitlien.fr/6ctr

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Certes, Even, mais l'origine de cette célébration est visiblement bien antérieure à Valentin de Terni.

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés