Le collectif du rugby, pas celui du kolkhoze.


C'est une figure imposée, un petit exercice auquel je me livre volontiers chaque dernier vendredi du mois, cela s'appelle justement Les vendredis du vin. Il s'agit d'une manifestation virtuelle, calquée sur un modèle américain, des blogueurs pinardiers sont invités à plancher sur un thème qu'ils n'ont pas choisi. On peut trouver à cela un petit côté boy-scout, mais l'exercice est amusant, parfois déroutant et souvent plaisant. En ce vendredi 25 janvier, le thème, déterminé par le président du mois, en l'occurrence Eric Leblanc du blog Le p'tit blanc sans col est "soyez coopératif". «Page blanche, dans une heure, je relève les copies!»



C'est un grand bâtiment blanc, le plus gros du village, peut-être même du canton La mairie, la Poste ou l'église, à côté, peuvent aller se rhabiller, on ne joue pas dans la même division! C'est à la fois un point de ralliement, un symbole et le centre d'un monde de cent-soixante-neuf habitants. Un lieu étonnant, il n'a pas de propriétaire, ou plutôt si, il en a soixante-huit, des vieux et des petits, des grands et des maigres, des costauds et des bavards, des femmes aussi. Dans ce bâtiment, on travaille, des dizaines de familles travaillent, le premier employeur du coin. Si l'on en croit les chiffres du Commerce extérieur de la France, ils exercent une activité en vogue, ils sont partie prenante d'une filière, la seconde après l'aéronautique à dégager un excédent: douze milliards d'euros par an. Étonnant de trouver une telle entreprise de pointe en pleine campagne, au beau milieu des montagnes des Corbières! Leur boulot, c'est de transformer le raisin des gens du village en vin. Raconté comme ça, c'est simple, mais ça signifie aussi aider à mieux soigner les vignes, faire évoluer les mentalités, préparer l'avenir.


Moi, ce grand bâtiment blanc, je l'aime. Et, comme tous les habitants du village, au delà de leurs différences, j'en suis fier. Fier comme on est fier de porter le maillot. C'est un endroit, d'ailleurs, où l'on n'a pas peur du mot "collectif". Oh, pas le collectif du collectivisme, du kolkhoze, celui du rugby, de l'équipe, de la solidarité. Celui qui peut déplacer des montagnes, qui se fonde sur des idées, une identité, un désir commun.


Ici, on ne s'invente pas des Clos bidule ou des Domaine Machin, on ne se fabrique pas des Châteaux-Pleins-De-Majuscules, on ne se paye pas de mots, on a le vin réel, humble, populaire, on l'aime proche de soi et de son terroir, mais, au moins aussi sûrement que les experts patentés, on sait que pour que les gens "normaux" continuent à boire du vin, encore faut-il qu'il soit bon et vendu à un prix "normal". Ici, on n'a pas attendu que les nouveaux apôtres sautent dans le train du développement durable pour comprendre que le métier de paysan s'écrivait dans le temps, de générations en générations, depuis si longtemps; sans tambour ni trompette, ces jours-ci, les couvreurs sont en train de refaire le toit, mille deux cent mètres carré de panneaux solaires. Ici, la réussite, ce n'est pas un type du village qui d'un coup sort une bouteille, a sa photo dans le journal, s'achète un gros 4X4, prend beaucoup l'avion, va manger dans les trois-étoiles; la réussite, c'est le partage, tout une communauté qui vit, qui mange, qui plante des vignes, c'est cette merveille de voir des jeunes qui s'installent, qui décident à leur tour de devenir vignerons alors qu'un peu partout, aux alentours, on arrache, dégoûté, on touche la prime et on abandonne sa terre.
Ici, c'est une coopé, ma coopé, à Embres-&-Castelmaure, tellement loin  des délires plaqués or du Mondovino.


Commentaires

  1. Je savais que tu allais en parler de "ta" cave...

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    1. Vous m'avez forcé la main… Comment parler de coopération sans parler de casrelmaure?

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    2. Bonjour,
      J'aime les vins de cette coopérative , d'une excellente franchise!JB

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  2. GuillaumeRivière25 janvier 2013 à 17:41

    Très beau... Très touchant.

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  3. MERCI.
    Merci de mettre à l’honneur ceux dont on ne parle jamais. Ceux que l’on a tant décriés. Tant et tant que maintenant on n’en parle plus du tout. Le mépris. Ultime outrage.
    Certes rien n’est parfait de par ce monde, et la Coopération viticole a assurément des choses à se reprocher. Néanmoins… Mettre en commun des moyens. Travailler ensemble vers un objectif commun. Accompagner les plus petits. Les plus fragiles. Les plus démunis. Avoir comme principes : 1 Homme = 1 Voix ou encore Ensemble on est plus fort. Quelle modernité dans ce concept !
    Depuis longtemps, déjà, on prévoit la disparition des Caves Coopératives, mais elles résistent. Elles souffrent, elles s’adaptent, se restructurent. Elles sont toujours là et le resteront encore longtemps. Rappelons qu’elles représentent aujourd’hui, près de 50% de la production française de vin !
    Lien : http://www.oenoblogue.com/2012/09/cooperation.html
    Encore merci donc, et une suggestion. La prochaine fois, poussez les portes et parlez-nous de ces vins magnifiques aux rapports qualité/prix incomparables que l’on trouve dans les meilleures productions de nos Caves.

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    1. Il m'arrive d'en parler, Pascal, et pas seulement d'en parler…

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  4. C'est superbe, une véritable Madeleine de Proust ! Amitiés

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  5. Malgré la distance et la trop grande rareté de mes dégustations,j'ai la plus grande sympathie pour l'intelligence, le travail et les formidables résultats obtenus, années après années,par mon presque homonyme...!

    Tu as fait le bon choix,c'est un bel exemple !

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  6. Je pensais bien, cher Vincent, que tu allais en parler... J'aurais été déçu du contraire !... ;-)

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