Doux comme un agneau (de Castille).


J'ai maintes fois évoqué la piètre qualité de la viande qu'on trouve à Barcelone. Pourtant, à côté du sinistre baby-bœuf, du poulet qui sent le poisson et du cochon d'usine* subsiste un produit avec lequel on se trompe plus rarement: l'agneau. Vous pouvez acheter du local, du Catalan (en vérifiant toutefois l'origine) ou, mieux, de l'Aragonais, mais la splendeur absolue, la merveille, c'est le Lechazo churro de Castille y León, largement comparable à nos meilleures productions françaises.


Il s'agit d'un agneau de lait (distingué depuis 1997 par une Indication Géographique Protégée européenne) issu de la race autochtone Churra, très caractéristique avec le bout du museau, le contour des yeux et les oreilles noires. Il en existe également de de race Castellana et Ojalada. Tous sont élevés dans cette vaste province du Nord-Ouest espagnol, entre Zamora et Soria, Burgos et Salamanque. Les animaux pèsent vif entre neuf et douze kilos, ce qui donne des carcasses entre cinq et huit kilos avec la tête, et sont sacrifiés avant trente-cinq jours. Comme leur nom l'indique, les Lechazos sont exclusivement nourris au lait de la mère. La pleine saison tombe autour de Pâques.


Ce genre de produit gastronomique ne s'achète évidemment pas n'importe où, on n'en trouve que chez les meilleurs bouchers ou chevrotiers. Personnellement, à Barcelone, je me sers chez Amparo, à La Boqueria, un étal minuscule près du rond des poissons, où cette dame, charmante, vends uniquement de l'agneau, du cabri et du remarquable veau d'Ávila; c'est mon adresse de référence, une des meilleures du grand marché des ramblas. On en trouve également d'intéressant à Galvany, et même en vente par correspondance. Si vous avez l'occasion, ne négligez pas non plus les rognons et les ris de Lechazo.


Exceptionnellement, "en soldes", j'ai payé celui que j'ai cuisiné ce midi treize euros cinquante le kilo, comptez un peu plus en temps normal mais ça reste généralement raisonnable pour un produit d'une telle qualité. On peut le cuire entier, par moitié ou en quartiers. Je me contente de le sortir trois heures avant du réfrigérateur, de le frotter avec un peu de citron, avant de le saler et de le masser avec de l'huile d'olive de Baena et de l'enfourner dans un plat, avec un verre d'eau et deux branche de thym dans un four très chaud. La cuisson est assez rapide, quinze minutes par livre environ, on poivre à la sortie, il faut bien sûr laisser reposer dix minutes au moins avant de servir. Par parenthèse, j'ai trouvé un délicieux accord aujourd'hui avec des épinards frais de La Rioja, à la saveur profonde, légèrement terreuse, juste sautés à la poêle dans du beurre du Haut-Poitou.
La chair du Lechazo, blanc-rosé (entre bisque et cuisse de nymphe), nacrée avant cuisson est d'une grande finesse, sans fadeur, très juteuse, suave. La graisse est remarquable, ainsi que la peau. C'est le moment de sortir de grands vins délicats. Pourquoi pas un joli mariage local avec un des nouveaux grands crus du Nord-Ouest espagnol, du Bierzo, d'Arlanza, de La Rioja, de Navarre ou même de Galice (ici et ici)?




* je parle là du cochon local qu'on construit dans les usines du nord de la Catalogne, pur large-white qui n'a jamais vu la lumière du jour et qu'on a même le toupet d'affubler parfois du nom "porc iberic", traduction en patois et trompeuse du véritable cerdo iberico, viande délicieuse de belle race et de bonne origine avec laquelle il n'a rien à voir.



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