Mouton-Rothschild 2010: cachez ce sein…


Je ne sais pas si, même dans sa famille, on se rend compte du génie qu'à déployé Philippe de Rotschild pour faire de Mouton le monstre commercial qu'il est. Marketing de bon sens, découverte bien avant l'heure du cocktail art et vin, entregent remarquable… Cet homme a ouvert des voies sur lesquelles les génération suivantes, à Bordeaux et ailleurs, roulent, pépère. Y compris cette idée maintes fois reprise depuis des étiquettes éphémères, pièces uniques signées par des artistes différents. Et quels artistes! Picasso, Hartung, Miro, Kandinsky, Soulages, Warhol… Je garde en mémoire, à la fin de sa vie, l'exemple de Keith Haring: il fallait avoir à l'époque, en 87, un sacré "nez" (et un bon carnet d'adresses!) pour imposer l'univers underground de ce graffeur new-yorkais disparu peu après!


Il n'empêche que j'ai découvert avec effroi dans Decanter le dernier millésime des étiquettes de Mouton, le 2010. Non pas que je trouve l'œuvre pompéienne de Jeff Koons particulièrement transgressive; il n'y a plus que les belle-mères pour pousser des cris d'orfraie devant les spectaculaires installations du bref époux de la Cicciolina. Mais quand je regarde de plus près le dessin qu'a fourni son atelier pour illustrer l'étiquette d'un des pauillacs les plus chers du Monde, je constate que l'espèce de Vénus anadyomène qu'il représente, comme celle de Boticelli, ne cache pas ce sein (ses seins) que nous ne saurions voir.


Immédiatement, je pense au marché américain et à sa pudibonderie maladive. Me revient en mémoire l'épisode du 1993 de ce même Mouton-Rothschild où il avait fallu, pour ne pas choquer nos très vertueux amis d'Outre-Atlantique, débarrasser l'étiquette de la jeune fille peinte par Balthus et en imprimer un "modèle vierge". Parce qu'on ne rigole pas avec le Sexe!
D'où cette idée que je me permets de suggérer à Madame de Rothschild. Il va de soi, Madame, que vous conserverez pour vos clients normaux le dessin licencieux réalisé par Jeff Koons. Mais pour l'Amérique, je me suis lancé dans une petite création personnelle, directement inspirée par l'actualité récente (en haut de cette page). L'érotisme choque, officiellement, aux USA. Il bouscule les grenouilles de bénitiers (savez-vous, Madame, qu'en Médoc, à la place de grenouilles de bénitier, on dit joliment "gratte-Jésus"?). Remplaçons donc cette image vicieuse par quelque chose de plus rassurant, de "bien de chez eux". Remplaçons le Sexe par le carburant de la culture que les Américains ingèrent quotidiennement et qu'ils nous infligent, à nous et à nos enfants, au travers de leurs séries télévisées, de leurs films "d'action" et de leurs jeux vidéo: la Violence. Évidemment, au travers de cette "œuvre", je n'ai pas souhaité compliquer les choses, entrer dans le vif du sujet, pas tenté de plancher sur les causes et les conséquences, le bras et le marteau. La réflexion sur ce sujet est encore embryonnaire, on se contente du quantitatif, de compter le nombre d'armes en circulation. J'ai juste, c'est le propre de l'art, donné un instantané d'une société. Espérant ainsi, Madame, protéger Mouton des foudres de la Censure.


Commentaires

  1. Nous sommes d'accord. Mais, moi, pas avant demain matin ;-)

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  2. Fallait oser. Mais l'analyse est juste et je partage le point de vue.

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  3. Que ce billet fleure bon l'antiaméricanisme primaire et borné !
    Pauvres américains, qui auraient le monopole de la violence, comme c'est pratique.
    C'est vrai que Balthus, à l'inverse, c'est le fin du fin en matière de bon goût : cette obsession à représenter des petites filles prépubères nues et offertes au sexe, c'est délicieux, vraiment !
    Décidément, nous n'avons vraiment pas les mêmes goûts...

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    1. Le monopole de la Violence, je ne pense pas, mais la médaille d'or du nombre annuel de morts par armes à feu dans un pays riche, oui. Après, on a le droit de considérer que c'est "normal".
      Pour ce qui est de Balthus, ce n'est pas ma tasse de thé, mais j'ai du mal à porter sur lui un regard de censeur.

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