Le Languedoc, tendance naturiste…


Qu'est-ce qu'on boit pendant les fêtes! Je suis toujours impressionné par les pics annuels que la consommation de vin atteint en décembre. Personnellement, bien sûr, j'ai tendance à privilégier la régularité, les efforts soutenus; je pense qu'il faut se méfier des sprints, leur préférer l'endurance, la course de fond, tout au long de l'année. Il n'empêche que les bougnats, les cavistes et autres détaillants en flacon, sont en plein boum. Surtout en ces temps modernes où à force de coller des dates de péremption, des DLC sur tout et n'importe quoi, on en a presque fini par oublier que le vin, il était bon, justement, de savoir l'oublier (au fond d'une cave)…
Voila donc l'occasion de rappeler, quitte à me répéter, que les bonnes bouteilles, celles qu'on sait pleines de promesses, c'est chez son caviste qu'on les achète. Et nulle part ailleurs*! Vous n'allez quand même pas gâcher votre réveillon avec des bouteilles de grandes surfaces? J'imagine que non, votre famille et vos amis valent mieux que ça.


Et quitte à me vautrer une nouvelle fois dans le poujadisme, à déployer avec gourmandise ma banderole du Cid-UNATI, quitte à passer pour le Jean-Pierre Pernaut** de la blogosphère, j'en profite pour continuer notre tour de France de ces petits commerces que j'adore.
Le caviste du jour tient boutique à Narbonne, à l'enseigne du Comptoir de Célestin, place Voltaire, pratiquement en face d'une superbe quincaillerie* où l'on trouve (trouvait) tout le nécessaire du petit rempailleur de chaises. Xavier Plégades a choisi son camp, le vin, pour lui, c'est "nature". Pour autant, ce n'est pas un mouton de Panurge, le type sait boire et a compris qu'il n'y a que dans le cochon que "tout est bon".  Détail pas toujours évident dans sa spécialité, il est lucide sur les crus qu'il vend et se refuse à fourguer de l'étiquette pour de l'étiquette. Quand il aime, il aime, mais quand il n'aime pas, il le dit. Bref, le gamin a l'esprit rugby!


Au Comptoir de Célestin, je me fournis en Joséphine, la bulle sentimentale de Gilles Azam, je bois l'excellent petit corbières de Rémi Jalliet, ce "voisin trop discret" dont je vous parlais aux vendanges, je fais éventuellement sauter un bouchon de Fidèle de Vouette & Sorbée, je suis content de voir qu'il a compris la joliesse des remarquables chablis de Thomas Pico, bref, je picore du bonheur. D'autant mieux que Xavier Plégades n'hésite pas à déboucher par inadvertance quelques bouteilles sur le coin de son long comptoir, ce qui en fait un des clandés les plus accueillants de Narbonne.


C'est ainsi que je me suis régalé la dernière fois d'un très très joli canon "nature" ma non troppo, un arbois, le trousseau de Messagelin 2011 du Domaine des Cavarodes. J'en ai bu trois bouteilles dont une tard dans la nuit, c'est un rouge qu'il faut impérativement aérer, quitte à lui faire un peu violence, car il est très réduit. Mais ensuite, quelle délicatesse, quelle raffinement! Pas de rusticité ni de verdeur, un vin droit au fruit étincelant, du trousseau qui pinote! À quinze euros, más o menos, voici un "grand bourgogne jeune" pour qui aurait l'idée de sacrifier une belle volaille pour son réveillon!


Vous me direz qu'il faut quand même être un peu tordu pour aller boire de l'arbois (d'ailleurs, il a aussi de l'Overnoy-Houillon) au cœur du grand vignoble d'appellation du Monde. Ce n'est pas complètement faux. Rassurez-vous, Xavier Plégades n'est pas un BoBo hors-sol, on trouve chez lui une pagaille de petites bouteilles marrantes du Languedoc, des crus plus ou moins classiques qu'il conseille en fonction des goûts de chacun. Car, tout "naturiste" qu'il est le type n'est pas un ayatollah, son boulot, c'est de vendre du vin, pas de faire de la politique.
Quoiqu'il en soit, "nature" ou pas, d'Arbois, du Languedoc, de Bordeaux ou même de Tasmanie, peu importe, répétez après moi la phrase qui sauve notre culture du vin: à Narbonne, comme partout ailleurs, "mes bouteilles du réveillon, je les achète chez mon caviste!" Adelante!

Attention, Xavier Plégades a changé d'adresse, il est désormais installé 3, place Lamourguier, toujours à Narbonne, et en plus il exerce le noble métier de bistrotier. Qu'on se la dise!


* Exception faite, évidemment, de la maison-mère, celle du vigneron!
** Célèbre présentateur d'un journal télévisé populaire français, connu pour ses reportages sur les vieux métiers et les petits commerces.
*** J'espère qu'elle existe toujours dans cette ville de Narbonne grignotée, rongée par le cancer de la Zone industrialo-commerciale.

Commentaires

Articles les plus consultés