Le groupie du caviste.


Moi, ils m'espantent, ils m'impressionnent ces cavistes! Inexorablement, en France, le cancer de la "grande Distribution"* grignote des parts du marché du vin, trois bouteilles sur quatre sont désormais vendues au paradis des pousse-caddies. Le revolver publicitaire sur la tempe pour certains, par simple paresse pour d'autres, les journalistes spécialisés vont d'ailleurs, dans les jours à venir, nous rebattre les oreilles avec les présumées "bonnes affaires des foires au vin", grand' messe annuelle du pinard standard. Et dans le même temps, aux quatre coins du pays, avec une admirable inconscience, des jeunes continuent d'ouvrir à un rythme soutenu des caves, frêles mais fiers esquifs lancés à l'abordage des supertankers lourds et vulgaires qui polluent les banlieues de nos villes.


L'armada des néo-cavistes m'épate. Déjà, quand je la vois monter au créneau dans les grandes cités (où je me dis quand même qu'elle trouvera ici et là quelques "attardés" comme moi, réfractaires au panurgisme). Mais voila qu'apparait une nouvelle flottille de résistants, ceux qui décident de débarquer dans les villages. Bien sûr, tous ne sont pas des génies de la treille; certains, formés à la vente de fringues ou anciens gérants de sandwicherie, ont un QI vinicole proche de celui de l'huître, il vendront demain des parapluies ou des contrats d'assurance… N'empêche que parmi eux se nichent d'authentiques professionnels.


C'est chez l'un d'eux, Damien Lherbette, que je me suis arrêté l'autre jour, en redescendant du fabuleux Clos Cristal, via le Château de Brézé, le Domaine du Bois-Mignon (où je me fournis en saumurs de soif), l'abbaye de Fontevraud et ce village de Monsoreau dont la divine Diane de Méridor télévisuelle des années soixante-dix** marqua mon entrée dans l'âge de déraison. Damien Lherbette est installé au bord de la Vienne, en fait à la confluence de la Vienne et de la Loire, à Candes-Saint-Martin, village de conte de fées qui illustre assez bien la richesse tranquille du patrimoine ligérien.


Vous objecterez, et vous n'aurez pas tort, qu'il est plus simple de s'installer au cœur d'une région aussi touristique que dans un trou perdu. Certes, mais même en Val de Loire, l'hiver doit être long. D'autant que Damien Lherbette ne s'est pas pas particulièrement spécialisé dans les bouteilles pour touristes. Formé un des grands cavistes de la région, Thierry Berson (Atout Vins à Doué-la-Fontaine), il ne recherche pas nécessairement le consensus et affiche clairement son goût. J'aime en tout cas sa profession de foi: "tous mes vins sont goûtés avant leur mise en vente, j’ai rencontré personnellement tous les vignerons et vigneronnes". Net et précis.

Fort logiquement, à Enfin du vin, on vend principalement des vins de Loire. Des étiquettes connues bien sûr, du "nature" pour faire djeun', mais pas que ça. Au détour de la conversation, Damien Lherbette ose parler de tanins, d'élégance, loue la finesse des chinons du Château de Coulaine, évoque les remarquables vins de Philippe Pichard auxquels les snobs ont toujours tourné le dos (et dont je viens d'apprendre que c'était fait, qu'il avait vendu…).


La boutique qui est installé en bord de Vienne, quasiment au bord de l'eau, fait également bistrot. On vous y sert au verre le champigny de Sanzay (dont il faut absolument que je goûte les Poyeux car le générique 2010, un poil rèche (échantillon?) ne m'a pas convaincu). Du vin, mais aussi, délice d'été, une belle limonade artisanale produite du côté de Tours, à Chambray, La Loère.


N'empêche qu'on ne m'ôtera pas de l'idée qu'il en faut du courage pour se lancer dans ce genre d'aventures. Il y a un petit côté "missionnaire" à tout cela, il faut vraiment avoir la foi pour tenter d'évangéliser les masses. Je le répète, à Candes-Saint-Martin comme ailleurs, je trouve ça admirable, je suis vraiment groupie du caviste. Pensons-y à chaque fois que nous prend l'envie d'aller choisir une bouteille: le vin, ça s'achète chez un caviste, pas sous les néons d'un entrepôt plein de papier-cul et couche-culottes.


** Karin Petersen, dans La dame de Monsoreau, serie TV d'après Dumas.


Commentaires

  1. Celui-là, fallait pas le louper ! Merci de nous signaler une ces nouveaux cavistes "ruraux" !

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