Pour quelques artichauts de moins…


Quand vous quittez Barcelone par le Sud, l'autoroute longe bizarrement pendant plusieurs kilomètres des champs d'artichauts, des jardins, piqués ici et là de quelques fermes de maraîchers pas si vilaines que ça. Vous êtes alors à l'embouchure du Llobregat, un petit fleuve catalan qui prend sa source à la frontière française, du côté de Puigcerdà. Les champs et les jardins que vous traversez font partie du Parc agraire du Baix-Llobregat, une zone volontairement préservée en 1976 lors de l'instauration du Plan métropolitain de Barcelone, 3000 hectares désormais encerclés par les supermarchés de Sant Boi, les zones industrielles de la Zona franca, l'urbanisation de Viladecans et les pistes de l'aéroport d'El Prat.


Dix pour cent des légumes consommés dans la capitale catalane proviennent de ces potagers, parfois de minuscules lopins de terre, irrigués par les eaux douteuses du Llobregat qui avant de venir mourir ici a traversé son lot d'usines et de stations d'épuration. Les primeurs y valent donc ce que valent tant de légumes espagnols, mais ils ont le mérite d'exister et d'assurer la subsistance de ce "poumon vert". Plus pour très longtemps, semble-t-il. Enfin, il y a une chance sur deux. Des intermédiaires, des banques sont en train de tâter le terrain pour voir comment racheter ces parcelles à trois francs-six sous. Parce que c'est ici (si ça se fait) que sera édifié Eurovegas, le "Las Vegas européen" que le milliardaire américain Sheldon Adelson, charmant personnage, a promis à la péninsule.


Actuellement, le cœur (façon de parler…) de monsieur Adelson balance entre Madrid et Barcelone. Les deux villes lui font des ronds de jambes, on dit qu'il y a beaucoup d'argent à la clé, des emplois aussi ce qui ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd alors que le chômage ici frôle les 25%. En terme de réglementation du travail, d'urbanisme, d'hygiène, ses conditions sont exorbitantes. On parle de future zone de non-droit. Peu importe, tout ou presque sera vraisemblablement accepté par les heureux gagnants. Si la Catalogne l'emporte, l'inconstructible deviendra constructible, les gratte-ciels chatouilleront le ventre des avions et les Barcelonais ne mangeront plus guère des artichauts qui poussent au bord de l'autoroute du Baix-Llobregat. C'est la vie…


Commentaires

  1. Bonjour,
    J'espère pour les Madrilènes ou Barcelonais qu'il restera à certains un morceau de coeur (artichaut)afin de se mobiliser contre de tels projets. Ils ont déjà voulu vivre comme des Américains et se retrouve sans un choux, qu'ils fassent Vegas et ils n'auront plus que les feuilles...d'imposition. A priori pour ce projet à Barcelone les indépendantistes ne mouftent pas, ils préfèrent la suppression des corridas pour mieux accueillir el picador Adelson qui trois véro..niques plus tard leur demandera de payer pour travailler. Vivement le boomerang. Bon, je vais ma taper un Meauzac nature de chez Plageoles pour m’enivrer d'espoir de jours meilleurs, mais une bouteille, un peu juste pour arriver à l'ivresse...

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    1. Bien vu, Jean-Louis! Vegas, si, corrida, no! Va comprendre…

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  2. Si les espagnols commencent à se mobiliser contre des projets créateurs d'emplois, même si effectivement cela ne risque pas d'être des emplois aux conditions très avantageuses, alors ils ne sont pas prêt de voir le bout du tunnel....
    Pas bien compris le rapport avec l'interdiction de la corrida en catalogne.
    Alex Babot

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    1. Oh, la mobilisation sera faible et le monde casinos triomphera sûrement. Jean-Louis évoque la corrida, parce que les Catalans sont parfois prompts pour se draper dans leur culture pour, par exemple interdire la corrida, mais l'oublient souvent quand il s'américanisent, notamment avec cet exemple du Las Vegas barcelonais qui va détruire le Sud de l'agglomération.

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  3. Comme prévu, les difficultés s'aplanissent, le Conseil régional catalan fait le nécessaire pour se soumettre aux impératifs du magnat américain: http://www.lavanguardia.com/economia/20120618/54314029366/eurovegas-trabas-urbanisticas.html

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