Dindons, coqs et Coquelet.


Ici, entre Sitges et Vilanova i La Geltrú, pas besoin d'allumer la télévision hier soir, chaque attaque, chaque percée de la Roja était saluée par des clameurs, des pétards, la joie bruyante d'une Espagne réunie autour de onze bonhommes apparemment déterminés.  "Panem et circenses" me rétorquera-t-on. Peut-être… Mais cette liesse populaire, cette fierté nationale, mariée au vacarme de la Sant Joan, faisait plaisir à voir. Et vu l'avenir proche qui attend ce pays, il serait déplacé d'être bégueule. D'une oreille distraite, nous entendions les commentaires larmoyants d'une chaîne franchouillarde (la même qui nous avait pourri la Coupe du Monde de Rugby…) relater l'inévitable retour à la maison d'une bande de jeunes dindons mal élevés. Il paraît que le Ministère des Sports français a un trou dans la caisse, peut-être pourrait-il, faire l'économie d'offrir une ou deux Porsche de plus à chacun d'entre eux?


S'ensuit une mêlée terrible, des compétiteurs venus de partout, de Monterrei et de Chambolle, des Corbières et des côtes de Beaune, Sud et Nord mélangés. Dans les vestiaires du stade de Tucumán, une vingtaine de gaillards, pas que des perdreaux de l'année, ruminent leur revanche. J'imagine leur émotion au moment de revêtir cette tunique frappée du Coq. Ceux-là ont visiblement décidé de mouiller le maillot et de nous en donner pour notre argent. C'est la différence entre une équipe et un patchwork.
De la mêlée, glorieuse, s'extirpe pourtant une individualité: Coquelet. Tout le monde me dit que ce gamin de vingt-cinq ans est déjà une vedette; franchement, je n'avais pas du lire avec suffisamment d'attention le Jaune*, parce que son nom, pourtant emblématique, m'avait échappé. Large d'épaule, solide comme un gars du Sud-Ouest, mais aussi distingué qu'un Anglais qui vient de perdre (l'humour n'est pas que britannique…). Une merveille, il me tarde de le voir évoluer, progresser, ce sera sans doute un grand de demain. Nous lui donnons tous rendez-vous dans dix ans.
Retenez-bien ce nom: Coquelet, Damien Coquelet. On sent de l'orgueil bien placé dans ce vin-là, le même que celui de ce XV tricolore qui la nuit dernière a marché sur la gueule de Pumas qui ressemblaient plus à de gros chats endormis. Damien Coquelet, donc, Côte du Py 2009, je n'ai pas le souvenir d'avoir déjà bu un morgon d'une telle intensité, un vin d'une texture merveilleuse dont on sent qu'elle plonge profondément ses racines dans la terre beaujolaise, mûr et frais, croquant et velouté, Sud et Nord mêlés. Tout sauf une rinçotte, du gros, du lourd (au bon sens du terme). Coquelet, fier de porter le maillot jusque sur son étiquette, tout le contraire des dindons de tout à l'heure.



* vieux surnom du Midi-Olympique, dans le milieu, du à la couleur de son ancien papier.

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