la non-conformité de la convivialité.


Avant de poursuivre le récit de mes aventures alsaciennes, je suis obligé aujourd'hui de digresser une fois de plus. J'ai été pétrifié, glacé par une phrase pêchée sur le blog d'un avocat du Barreau de Rennes, Maître Poulet. Je ne suis pas arrivé là par hasard, j'avais été tuyauté par cette véritable AFP du pinard qu'est le site Bourgogne Live. Voici donc cette phrase, évidente du point de vue du Droit, qui conclut un commentaire technique sur un arrêt de la Cour d'Appel au sujet d'une publicité pour l'alcool via Facebook: "Au détour d'un considérant, les juges dévoilent ce qui pose problème: Facebook est un «réseau social de convivialité». Et comme on le sait, la convivialité c'est-à-dire l'échange et la communication, n'est pas conforme à la loi Évin."
La convivialité n'est pas conforme à la loi Évin. Imparable. Cette phrase tourne et retourne dans ma tête. Et me semble démontrer une nouvelle fois la différence entre une belle idée et une bonne idée. Je ne doute pas que Claude Évin, éducateur spécialisé devenu député socialiste puis ministre de la Santé en 1988, était animé des meilleures intentions du Monde quand il a mis en route la fameuse loi qui porte son nom. Il voulait nous protéger. Nous protéger de l'alcool, notamment. Et, comme on avait du lui enseigner à l'Institution Saint-Joseph d'Ancenis, à deux pas de ces coteaux verdoyants dont je boirais bien quelques godets du rouge tendre qu'ils produisent, sûrement, nous protéger aussi de nous même.


Le problème, on le sait, c'est que l'Enfer est pavé de bonnes intentions, y compris des meilleures du Monde. Et que monsieur Évin a confondu l'Hygiène et l'hygiénisme, la Morale et le moralisme. Et que cette loi a enfanté une ribambelle d'associations saprophytes dont j'ai déjà eu l'occasion de dire ce que je pensais.
Du coup, cette loi est devenue intrusive, tatillonne, violant même parfois, au nom d'une politique de Santé publique, des libertés de choix qui appartiennent à notre vie privée. Si j'étais vicieux, je dirais que monsieur Évin, en son temps, eut mieux fait d'être aussi intrusif, tatillon, procédurier dans l'Affaire du sang contaminé, affaire pour laquelle, je le précise, il a été lavé des accusations d'homicides involontaires qui pesaient sur lui par la Cour de Justice de la République. Et tant qu'à plonger dans l'amalgame, je lui conseillerais d'aller voir à Sidi Bouzid notamment dans quels culs-de-sac aboutissent tous les moralismes, tous les prohibitionnismes.
Je ne sais pas pourquoi d'ailleurs, mais à chaque fois que je pense à la joyeuse bande de pisse-froid, de pisse-vinaigre qui, en France, veulent mettre à l'index l'alcool et singulièrement le vin me viennent des pulsions paillardes. Je ne pense pas que ce soit le Professeur Got qui suscite ça en moi, mais bon… Et me viennent des images de poitrines agressives, de fessiers rebondis et de saines gaudrioles. Et j'appelle Jean-Pierre Marielle à la rescousse: "Ah, ce cul! Ah, nom de Dieu de bordel de merde!" (comme Marielle, d'ailleurs, je trouve que "les cons, ça fout les jetons"). C'est d'ailleurs pour ça, par pure provocation, que j'ai choisi de ressortir, afin d'illustrer mon propos, ces images d'un verre de vin (du muscat pour être précis) associé au corps d'une femme, à un corps nu. Des images en totale contravention avec la loi Évin. Oui, le corps de cette belle eurasienne n'est pas conforme lui aussi à la Loi Évin.


Mais, finalement, qu'est-ce qui est conforme à la loi Évin? La littérature? Évidemment que non, songez entre autres au vin de Baudelaire, à celui de Rabelais, à Khayyâm, à Hemingway, à Blondin, etc, etc… Seule la Bibliothèque rose, peut-être, est conforme à la loi Évin. Idem pour la musique, la peinture, que voulez-vous, l'Art est comme ça, il aime le blasphème. Jusqu'à l'Église qui fait picoler du vin de messe à ses fidèles. L'amour, c'est pareil: trop d'ivresse! Même l'amitié, d'ailleurs, parce que ça incite à la convivialité, donc…
En fait, messieurs les censeurs, tristes sires, je crois simplement que la vie n'est pas conforme à la loi Évin. À moins que ce ne soit l'inverse.


Commentaires

  1. Cher Vincent, cher païen, tu n'as pas été à l'église depuis ta communion solennelle, un bail. Juste te rappeler que le vin de messe est à l'usage exclusif de l'officiant (les fidèles, c'est au bistrot après la messe), et qu'éventuellement, les burettes qui le contiennent sont finies dans la sacristie par les enfants de chœur. T'imagines la scène, on est loin de la loi Evin. La loi Evian comme l'appelle finement François Desperriers.

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    1. Merci pour le rappel au règlement, Nicolas. pire qu'un païen, je suis luthérien! En revanche, je t'imagine parfaitement en train de finir les burettes!

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